Brèves La Philharmonie met les bêtes sur écoute
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La Philharmonie met les bêtes sur écoute

20/09/2022

La musique est-elle propre à l’homme comme le prétend la culture occidentale ? Ou le règne animal est-il également capable de produire la sienne ? Existe-t-il une émulation entre la création artistique et les chants, les cris etc. émis par nos amies les bêtes ? Autant de questions auxquelles la Philharmonie de Paris nous invite à réfléchir au gré d’une exposition qui croise les sciences et les arts, la poésie et l’écologie.  

Conçue avec le Muséum d’Histoire naturelle, Musicanimale fait entendre les sons d’une quarantaine d’espèces. Grâce à des casques individuels ou plongé dans l’univers sonore des quatre salles immersives, le visiteur est sollicité par les bruissements des insectes, le brame du cerf, les vocalisations des baleines dont on nous apprend qu’elles furent gravées, en 1970, sur un vinyle devenu best-seller (Songs of the Humpback Whale)… 

Mais le parcours, organisé sous forme d’abécédaire façon cabinet de curiosité, donne aussi à voir une multitude d’objets. Appeaux et coucous horlogers y côtoient une toile de Chardin ou des créations contemporaines, dont certaines ont été commandées pour l’occasion à Nelly Saunier, Julien Salaud, etc. Au total, 157 œuvres et une cinquantaine d’extraits musicaux démontrent que les compositeurs et plasticiens de tous poils n’ont cessé de se nourrir du grand bestiaire sonore.  


Papageno par Marc Chagall © Adagp, Paris
Photo © Philippe Migeat – Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP

Parce qu’il est impossible de tous les citer, procédons par morceaux choisis. Ici, ce sont les cahiers de notation de chants d’oiseaux d’Olivier Messiaen, qui parcourait la campagne, jumelles en bandoulière. Là, une cigale de Bornéo composée par le collectif Tout/reste/à/faire à partir d’un empilement de violons et d’archets. La lettre P, dédiée au volubile Papageno, ne se borne pas à présenter des croquis de costumes dessinés par Chagall ou Jacques Drésa pour Die Zauberflöte de Mozart. Elle rappelle que l’histoire de l’opéra fourmille d’animaux, des grenouilles de Rameau (Platée) aux goupils de Janáček (La Petite renarde rusée), en passant par Le Duo des chats (attribué à Rossini, mais dont l’auteur serait Robert Lucas de Pearsall). 

À l’issue de ces explorations, l’exposition ne délivre aucune certitude. À chacun de décider, selon sa sensibilité, son approche de la science, si l’animal est un musicien comme les autres. D’évidence, son interaction avec l’homme s’avère fructueuse quand la relation est empreinte d’harmonie. Et ce ne fut pas toujours le cas, à en juger par cette vitrine consacrée aux oiseaux chanteurs, prisés des salons bourgeois du XVIIe siècle. Les pressions que l’on faisait peser sur eux ont même engendré le verbe… seriner !

Dans un registre plus délicat, les chorégraphies de Luc Petton s’adaptent aux battements d’ailes aléatoires des grues ou des pies avec lesquels danse sa compagnie. Un respect du vivant à intégrer avec d’autant plus d’urgence qu’à l’image de toute la biodiversité, le patrimoine sonore est sévèrement menacé. En un demi-siècle, la moitié des sons du vivant aurait disparu. Une perte d’autant plus regrettable que ce sont autant de potentielles variations artistiques qui se sont évanouies dans la nature.

STÉPHANIE GATIGNOL

À voir :

Musicanimale, le Grand Bestiaire sonore, à la Philharmonie de Paris, jusqu’au 29 janvier 2023.

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