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Evénement

Théophile Alexandre, un Fregoli vocal au Trianon

11/01/2023
© Edouard Brane

Succès parisien pour No(s) dames, spectacle où le contre-ténor Théophile Alexandre incarne les grandes sacrifiées de l’art lyrique. Consacré à la réflexion, le prologue à cette soirée présentée au Trianon, aura été mené de main de maître par la philosophe Catherine Clément, autrice de L’Opéra ou la défaite des femmes

Hommage dégenré aux héroïnes de l’art lyrique, No(s) dames permet au metteur en scène Pierre-Emmanuel Rousseau d’utiliser au mieux l’aisance scénique et chorégraphique de Théophile Alexandre. Le contre-ténor fait, en effet, figure de réincarnation contemporaine de Leopoldo Fregoli, autrefois l’une des vedettes du Trianon. Et son transformisme est d’autant plus habile qu’il ne passe pas par des changements de costumes, mais d’abord par la voix, selon qu’il chante Médée, Norma, Carmen, Manon ou Violetta. 

La mise en espace conduit aussi les membres – exclusivement féminins – du Quatuor Zaïde à se déplacer au milieu d’un décor où se côtoient poudre d’or, urne funéraire, escarpins, noir macabre et rouge sang. La violoncelliste utilise, ainsi, son instrument comme une viole de procession. Des images vidéo, signées Charlotte Rousseau, complètent ce tableau voué aux fatalités de genre, qui voit défiler, pendant soixante-dix minutes, des femmes brûlées vives, suicidées, poignardées, emprisonnées ou possédées du Démon. 


Théophile Alexandre et le Quatuor Zaïde dans No(s) dames. © Edouard Brane

En prélude à la représentation, précédée d’un lever de rideau où ont brillé Zaza Fournier et la grande Juliette, avait lieu une discussion sur le sort des femmes dans la musique classique, jadis et aujourd’hui, écho à la parution du livre Les interviews No(s) dames, réflexions sur les corsets de genre de notre culture, tenu par Arièle Butaux, Catherine Clément, Macha Makeïeff et Laurence Equilbey. Cette dernière a notamment indiqué que « le nombre des femmes dans la culture est inférieur à celui de celles servant dans l’Armée française », avant de donner des éléments statistiques prouvant que la parité avec les hommes est loin d’être atteinte parmi les cheffes d’orchestre, metteuses en scène ou directrices d’institutions culturelles. Comme on aurait apprécié qu’Isabelle Rome, ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes, se prononce sur cet impératif, en louant – sur la scène –  le talent de Théophile Alexandre, parvenu au terme d’un marathon vocal !

N’a-t-il pas chanté une vingtaine de pages en cinq langues, s’étalant sur trois siècles et réunissant des highlights périlleux ? Ne s’est-il pas montré constant en maîtrisant coloratures, trilles, sons filés, roulades, cabalettes ou portamenti, tout en manifestant une sûreté d’intonation et une précision dont le Quatuor Zaïde fera peut-être enfin preuve le 11 avril, prochaine date parisienne* – toujours au Trianon – de ce spectacle singulier ?

PHILIPPE OLIVIER

*Les bénéfices de cette soirée seront reversés à la Maison des Femmes.

Nous y étions :

No(s) dames, le 9 janvier 2023 au Trianon, à Paris.

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