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Découvrir l'opéra

Hors les murs : l’opéra à l’hôpital

02/11/2022
Hôpital Sainte Musse de Toulon, 2014 © Olivier Pastor

Grâce aux artistes lyriques venus les divertir, les patients de plusieurs pays européens connaissent un peu de légèreté au milieu d’un environnement tout sauf plaisant. 

Depuis quelques années, les lieux de soins se sont peu à peu ouverts à l’art lyrique. À titre d’exemple, on a ainsi vu, en 2020, une version condensée de Così fan tutte de Mozart offerte aux malades de l’hôpital de Sartène, petite commune de la Corse-du-Sud. L’ergothérapeute de l’établissement en a fait réaliser le décor par des patients. Un tel phénomène concerne divers types d’établissements : les hôpitaux généraux, les centres psychiatriques, les maisons spécialisées comme les services d’orthopédie, les EPHAD dotés d’unités médicalisées où l’on suit les maladies neurodégénératives.  Et il revêt une dimension internationale. Aujourd’hui, l’opéra entre dans les hôpitaux allemands, belges, suisses, espagnols ou italiens. Lorsque cela s’avère possible, il le fait avec une légitime tonicité. Elle efface le souvenir des deux années d’isolation, suscitées par la pandémie de la Covid-19. 

L’apparition de l’art lyrique se produit selon des formats différents. On trouve la visite de vedettes internationales, comme le ténor franco-mexicain Roland Villazón ou le baryton italien Leo Nucci. Ce dernier aura, depuis 2015, été au nombre des chanteurs se produisant pour les malades des hôpitaux de Madrid. Sa voix aura résonné parmi les salles de soins, de dialyse et de chimiothérapie. Des manifestations analogues ont lieu à Bilbao ou à Séville. Les chœurs de l’Opéra de Marseille – une quarantaine de personnes – ont commencé, en 2011, à chanter pour les patients de gériatrie admis à l’Hôpital Nord de cette ville. Ailleurs, le répertoire baroque est proposé. Depuis 2012, la compagnie BarokOpera présente Haendel, Monteverdi et Purcell aux résidents de l’Hôpital psychiatrique Guillaume Régnier, installé à Rennes. 


Hôpital Sainte Musse de Toulon, 2014 © Olivier Pastor

Il s’agit, comme on le voit, d’établissements de taille différente, implantés dans des communes dissemblables. Face à des métropoles comme Madrid ou Paris – avec le réseau colossal de l’Assistance publique – Sartène et ses 3000 habitants font figure de miniatures. En outre, les patients représentent des catégories socio-professionnelles variées. L’Hôpital américain de Paris n’est pas celui de Sarcelles, celui d’Épinal diffère de celui de Cannes. Pourtant, ces sites sont tous des lieux de souffrance, de douleur, d’angoisse, de mort. On ne décède plus guère à domicile. L’introduction de la musique à l’hôpital est un moyen d’effacer – ne serait-ce que de manière momentanée – la peur des examens, des soins et des blouses blanches. 

On choisit, pour ce faire, des contenus artistiques accessibles. On évite des pages sombres ou des textes tels que la liste de remèdes chantée dans L’Apothicaire, un opéra-bouffe écrit en 1768 par Joseph Haydn. Comme de donner des extraits du Médecin malgré lui de Charles Gounod. L’introduction de l’opéra dans le milieu hospitalier est un acte destiné à susciter des sentiments d’évasion et de légèreté chez les patients afin de déstigmatiser l’endroit où ils se trouvent. Cet acte ne relève pas de la musicothérapie, pratique réservée à des professionnels de santé ayant suivi une formation spécifique. L’opéra à l’hôpital est aussi un paradoxe. Il y fait entrer l’art lyrique alors que la majorité des patients n’ont pas l’habitude d’effectuer des sorties consacrées à Parsifal ou à Tosca.

Organiser des moments d’opéra dans les établissements hospitaliers ne se fait pas au débotté. Un cadre juridique et sanitaire est indispensable. Dès lors, la plupart des actions s’effectuent dans le cadre d’accords passés entre des institutions culturelles officielles et les établissements de soins. De manière plus souple, l’association Vie d’opéra travaille avec vingt-cinq établissements de santé implantés surtout en région parisienne. Fondée en 1876 et aujourd’hui doyenne des EPHAD des Alpes-Maritimes, la Fondation Pauliani de Nice organise des séances de bel canto, suite à un accord passé avant le Conseil départemental. 


Intermède musical au CHU de Bordeaux en 2020 © SDP

Ici, la motivation joue un rôle déterminant. Yves Courmes, le président de la Fondation Pauliani, est passionné d’opéra depuis un demi-siècle. Il préside aussi aux destinées du Cercle Richard Wagner rive droite de Nice. L’arrivée de Verdi ou de Massenet dans cet EPHAD constitue, pour lui, « un acte de solidarité avec les malades, quel que soit, d’ailleurs, leur âge ». 

Quand il était à la tête de l’Opéra National de Bordeaux, le chef d’orchestre Marc Minkowski est aussi allé, en 2020, se faire entendre avec des chanteurs en milieu hospitalier. On notera, au passage, qu’il est fils et petit-fils de médecins. Mais il doit composer avec des contraintes évidentes. Un hôpital n’est pas une salle d’opéra. Il n’a pas de garanties acoustiques, de scène, de systèmes d’éclairages, de fosse d’orchestre, de réserves de costumes et de décors. On essaie d’y trouver un piano convenable pour accompagner les chanteurs.

Si une clinique des environs de Francfort, spécialisée en pédiatrie, accueille des représentations de Die Zauberflöte dans une vraie mise en scène, elle est une exception emblématique du perfectionnisme germanique. À quand, chez nous, Papageno et sa cage d’oiseaux multicolores, ou Carmen et son éventail nacré jouant leur rôle en costume de scène devant les malades ?

PHILIPPE OLIVIER

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