Les métiers de l’opéra Audrey Brahimi, responsable de la communicatio...
Les métiers de l’opéra

Audrey Brahimi, responsable de la communication et du développement numériques 

09/01/2023
© Marc Ginot

Dans leur quête obstinée, et nécessaire, d’un public plus large, et surtout plus jeune, les institutions lyriques rivalisent d’imagination dans des posts, stories et autres reels, pour dévoiler l’endroit et l’envers du décor sur leurs réseaux sociaux. Depuis 2016, Audrey Brahimi réinvente sans cesse ses fonctions de responsable de la communication et du développement numériques à l’Opéra Orchestre National Montpellier Occitanie.

La voix des réseaux

L’entrée d’Audrey Brahimi sur le marché du travail en 2012 a coïncidé avec le boom des réseaux sociaux, qu’il lui a fallu intégrer, dès ses premiers stages, à la stratégie de ses employeurs du secteur culturel. Avec les sites internet, les newsletters, et tout moyen en ligne de nouer et d’entretenir la relation avec le public, la communication numérique s’est taillée la part du lion dans sa carrière. Les trois principes de sa spécialité – « faire connaître, faire agir, faire aimer » – contribuent, depuis son arrivée à l’Opéra Orchestre National Montpellier Occitanie, en juin 2016, tant à dynamiser la billetterie des deux cents événements publics annuels présentés par l’institution à l’Opéra Comédie et au Corum, qu’à perpétuer une image, en partageant par exemple la passion des artistes permanents du chœur et de l’orchestre, qui vont à la rencontre des publics empêchés. 


Une visite tactile pour les personnes aveugles ou malvoyantes, assurée par Marie Andrée, adjointe à la direction technique de l’Opéra Orchestre National Montpellier Occitanie © Audrey Brahimi

La communication numérique vise, en outre, à constituer des communautés sensibles à la programmation et enclines à donner leurs impressions sur les spectacles, d’où une minutie de la modération : « Être ouvert au débat participe aussi de notre culture numérique. » En révélant des profils d’utilisateurs et des types de consultations, les outils analytiques de ces plateformes aident à décider quoi publier, et quand. La consultation sur mobile (tablette y compris) a ainsi dépassé celle sur ordinateur depuis quelques années : « Nous gardons à l’esprit le côté responsive d’un site internet : un support web doit s’adapter aux différents écrans pour être le plus pertinent possible sur n’importe quel appareil. » La créativité de mise en forme transforme une information en désir et en réputation, sur des réseaux au public distinct : Facebook (utilisé par les 45-54 ans), Instagram (25-34), TikTok (jeune vingtaine) et YouTube. Reste d’ailleurs parfois à se soumettre à des règles changeantes quant au format des contenus : « Il faut savoir filmer une interview à la verticale ou à l’horizontale, en anticipant les éventualités de rognage. »  

L’art du terrain

Audrey Brahimi commence son travail de recherche avec les récoltes préalables de sa collègue en charge des éditions, puis produit un calendrier éditorial avec une apprentie, qui vient elle-même en renfort sur les vidéos et la chaîne TikTok, aux côtés d’un graphiste motion designer. Dans la production de contenu, l’aspect humain et le temps prévalent : « Les objectifs d’un service communication diffèrent forcément de ceux des artistes. J’ai besoin de contenu le plus tôt possible pour attirer les spectateurs, alors que les artistes tiennent souvent à répéter au calme afin de donner le meilleur d’eux-mêmes au moment des représentations, ce qui réduit les chances de les approcher avant la pré-générale. » Il arrive au contraire que les solistes d’une production soient tous sur Instagram et acceptent d’être filmés en répétition. Le secret consiste donc à toujours se réinventer.

« Le plus dommageable, en communication, c’est de ne rien faire du tout. On se doit de proposer, de tester et d’analyser pour s’améliorer continuellement. Une présence sur les réseaux se cultive. » Sans oublier de renégocier, rediscuter, faire valider des supports, le plus souvent dans l’urgence, tout en suivant les dernières tendances de la culture web – mèmes, GIFs, techniques d’écriture… Les productions déjà créées dévoilent leur ambiance visuelle en amont des représentations grâce aux photos existantes de la maison qui a monté le spectacle pour la première fois ; c’est un appel aux spectateurs qui voudraient réserver à l’avance. Une fois que le plateau vocal amorce les répétitions, les compteurs sont remis à zéro, nécessitant des photos avec les nouveaux visages et des vidéos exclusives sur le montage du décor, les essayages des costumes et des coiffures… L’excitation générée par les nouvelles productions demande une forte présence sur le terrain, et se reflète dans le making of et les interviews d’artistes qui aident à « sentir le crescendo », depuis le dépôt de maquette jusqu’au filage. 

Tous pour un

La « capitale de la French Tech » qu’est Montpellier inspire par ailleurs à Audrey Brahimi de nombreux partenariats avec des acteurs locaux, tels qu’ARTFX, une école de jeux vidéo qui développe chaque année un jeu autour d’un opéra de la saison. Les premiers game jams de quarante-huit heures se sont désormais transformés en projets pédagogiques carte blanche sur deux mois, dans lesquels les étudiants « mettent au point des boucles musicales avec des extraits musicaux, dessinent des personnages, conçoivent un univers graphique à partir de la mise en scène et du contenu pédagogique fourni par l’Opéra ». L’expérience de jeu, de quelques minutes, est disponible sur une borne d’arcade aux dates de représentation. Ludique lui aussi, le modèle des laboratoires de fabrication numérique (fablabs) a dessiné les contours de l’initiative Moon Lab, par le rapprochement avec Epitech Technology Montpellier, une école d’informatique, et LABSud, le fablab de Montpellier. Résultat : des ateliers mêlant informatique, musique et outils numériques, pour concevoir radio connectée, fresque musicale ou jeu de rythme (tendance Guitar Hero).


Crescendo, le jeu vidéo d’après La Flûte enchantée de Mozart © ARTFX

Avec le service de presse enfin, Audrey Brahimi invite des influenceurs à des avant-premières, des événements, des visites et des présentations de saison dédiées. « Nous souhaitons faire parler de nous sur les réseaux, même lorsque les spectacles sont complets. Une seule story d’influenceurs peut attirer autant d’abonnés Instagram que le fruit de quelques mois de travail. » Et encore plus si l’opéra est un milieu qu’ils ne connaissent pas : « Nous aimerions que l’opéra s’impose comme une sortie fréquente chez les jeunes, à l’instar du cinéma ou du restaurant. Tous les relais de communication ont un rôle à jouer ! »

THIBAULT VICQ

À voir :

Die Zauberflöte de Wolfgang Amadeus Mozart, avec In Sung Sim (Sarastro), Amitai Pati (Tamino), Blaise Malaba (Sprecher), Rainelle Krause (Königin der Nacht), Athanasia Zöhrer (Pamina), Mikhail Timoshenko (Papageno), Norma Nahoun (Papagena) et Benoît Rameau (Monostatos), sous la direction de Constantin Trinks, et dans une mise en scène d’Anne Bernreitner, à l’Opéra Orchestre National Montpellier Occitanie, du 13 au 19 janvier 2023.

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