Les métiers de l’opéra Lanfranco Li Cauli, directeur marketing et méc...
Les métiers de l’opéra

Lanfranco Li Cauli, directeur marketing et mécénat

09/02/2023
© Brescia e Amisano / Teatro alla Scala

Lanfranco Li Cauli s’est distingué à la direction marketing du Piccolo Teatro de Milan, avant de prendre, en 2016, des fonctions similaires, assorties de la responsabilité du mécénat, au Teatro alla Scala. Avec la relation comme leitmotiv, son champ d’action couvre une grande majorité des ressources financières du temple milanais de l’art lyrique, ainsi que les transformations fonctionnelles de l’institution.

Marketing : outils et image

Stratégie, positionnement, segmentation : les mots-clés du marketing peuvent sembler un peu abstraits, mais le « lien entre consommateurs et entreprises » demeure la pierre de touche de cette discipline de l’offre et de la demande, nourrie de développement et de fidélisation. Des quatre piliers habituels du marketing mix – produit, prix, distribution et promotion –, l’équipe de Lanfranco Li Cauli laisse le premier aux mains des responsables de la programmation artistique. Pour le reste, elle travaille avec le surintendant Dominique Meyer à la stratégie de billetterie de chaque production (nombre de représentations, tarif des places…) et fournit des données de fréquentation, pour « estimer un budget réaliste et viable du Théâtre ». En 2022, des calculs se sont portés sur le rendement de chacun des deux mille fauteuils, ce qui a permis une mise à jour de la grille tarifaire : une nouvelle catégorie de places moins onéreuses a vu le jour au parterre. « L’occupation et le chiffre d’affaires sont désormais plus élevés que quand il n’y en avait qu’une seule. »


Vue depuis la loge royale de la Scala.
© Brescia e Amisano / Teatro alla Scala

Les sondages effectués une à deux fois par an auprès du public servent à mesurer l’attractivité de la « marque » Teatro alla Scala. « Dans ce lieu magique où l’on peut retrouver l’essence du passé, l’expérience des spectateurs le temps d’une soirée est inimitable. Nous œuvrons donc à maintenir ce côté unique, tout en veillant à répéter ces expériences et à les rendre accessibles. » L’histoire du Théâtre explique la fidélité d’un public dont 50 % vient depuis plus de dix ans. « En 1778, le Teatro alla Scala a été construit par les citoyens de Milan, à qui est revenue la propriété des loges, elle-même transformée en abonnements au XXe siècle. » Aujourd’hui, « le sentiment d’appartenance à la Scala » perdure car les quelque 10 000 grands abonnés (6 à 15 spectacles dans la saison) s’arrangent pour se retrouver lors de certaines représentations.

La porte est ouverte à tous

S’il est une date de la plus haute importance, c’est bien l’ouverture de la saison, le 7 décembre, engrangeant à elle seule 2,5 millions d’euros de billetterie. La soirée reçoit également 1,2 million d’euros de mécénat, qui offre l’opportunité aux donateurs individuels et entreprises de réserver les meilleures places et de participer au dîner de gala. C’est justement le principe des contreparties liées à la contractualisation du mécénat, qui peut donner droit aussi bien à ces avantages qu’à une visibilité (logo et publicité dans les supports de communication du Théâtre).


Le 7 décembre 2022 à la Scala.
© Brescia e Amisano / Teatro alla Scala

L’équipe de Lanfranco Li Cauli cherche à nouer des relations pérennes avec des partenaires privés ou institutionnels, qui adhèrent au projet artistique de la Scala, permettant d’apporter presque un tiers des 120 millions d’euros nécessaires chaque année, à partir de plusieurs niveaux d’adhésion. « Milan concentre un grand nombre de sociétés et est aussi le siège de la bourse italienne. C’est la ville du design, de la mode et de la responsabilité sociale et environnementale. Les entreprises ont pour tradition d’investir dans la culture. » La générosité des portefeuilles s’est d’ailleurs maintenue pendant la fermeture Covid, et a même augmenté à la réouverture.

« La première banque d’Italie est le principal sponsor du Théâtre, mais cela ne nous empêche pas d’accueillir d’autres entreprises positionnées sur le même marché. » La fondation privée Milano per la Scala collecte la plupart des dons individuels. L’intérêt croissant pour ce système de financement pousse Lanfranco Li Cauli et ses collaborateurs à se pencher sur le développement des « Amis » internationaux du Teatro alla Scala. Les 5% de grands mécènes privés, c’est-à-dire ceux qui versent entre 150 000 et 3 millions d’euros par an, jouissent d’une relation directe et sur mesure. « Nous écoutons d’abord leurs engagements et leur vision, pour ensuite trouver dans nos productions et dans nos projets ce qui pourrait leur correspondre le mieux. Pour rester à nos côtés sur la durée, ils doivent être satisfaits des projets auxquels ils contribuent. »

Des projets transverses, fruits des deux disciplines


Il piccolo principe de Pierangelo Valtinoni à la Scala.
© Brescia e Amisano / Teatro alla Scala

L’amour à trois entre public, sponsors et Scala génère près de 70 % des ressources financières de la maison lombarde, complétées par les subventions publiques. Quitte à diversifier les pratiques, autour de trois grands combats : les programmes éducatifs, l’inclusivité et l’accessibilité, l’environnement. Et à Lanfranco Li Cauli de déterminer quels projets ciblés peuvent entrer dans ce cadre. L’opéra Il piccolo principe (Le Petit Prince) a par exemple été commandé à un compositeur contemporain, Pierangelo Valtinoni, d’après le roman d’Antoine de Saint-Exupéry, et pensé pour les enfants. Pour les moins de 36 ans sont organisées des soirées à moins 35 % (jusqu’à moins 50 % en abonnement), ponctuées de rencontres avec les artistes et de moments conviviaux entre spectateurs. « Nous leur faisons vivre une expérience ensemble et travaillons à la création d’une communauté. » Avec « Un palco in famiglia » (Une loge en famille), les moins de 18 ans accompagnés de leurs parents ne paient que 15 euros pour un opéra ou un ballet. Ces initiatives modifient ainsi la composition du public scaligère, dont à présent 20 % ne dépasse pas 30 ans, et seul un tiers a plus de 55 ans.

27 % des détenteurs de billets sont non-italiens, mais en prenant les meilleurs places, ils incarnent presque 40 % des recettes de billetterie. « Les touristes ne sont pas un public de seconde zone. Quand je vais à l’étranger pour le travail, je suis moi-même un touriste qui apprécie les expériences culturelles. » Les agences de voyages peuvent acheter des tickets à l’avance, mais doivent les vendre au prix d’achat et faire passer à leurs clients au moins une nuit à Milan. Depuis 2021, un billet « Weekend alla Scala » combine une ou deux représentations avec des entrées au Museo Teatrale alla Scala, au Duomo, à la Pinacoteca di Brera, au Museo del Cenacolo Vinciano et aux Gallerie d’Italia. Le rayonnement international passe en outre par le lancement de la plateforme de streaming La Scala TV, pensée par Dominique Meyer, et des réflexions sur un nouveau système de surtitrage. Enfin, le Scala Green Project ambitionne de rendre plus durables le fonctionnement du Théâtre, l’accueil du public et les processus de production, pour que l’ « expérience milanaise » continue de toucher ceux qui la vivent.

THIBAULT VICQ

Pour aller plus loin dans la lecture

Les métiers de l’opéra Laurie Hourriez, chargée de responsabilité sociale et environnementale

Laurie Hourriez, chargée de responsabilité sociale et environnementale

Les métiers de l’opéra Patrice Coué, bottier

Patrice Coué, bottier

Les métiers de l’opéra Audrey Brahimi, responsable de la communication et du développement numériques 

Audrey Brahimi, responsable de la communication et du développement numériques