Opéras Amusant Cosi à Toulon
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Amusant Cosi à Toulon

06/02/2023
© Frédéric Stéphan

Opéra, 29 janvier

Créée à Saint-Étienne, en février 2019 (voir O. M. n° 148 p. 62 de mars), cette production de Cosi fan tutte, qui devait être reprise à Toulon, en mars 2021, n’y est finalement affichée que presque deux ans plus tard. Avouons ne pas tout à fait partager l’enthousiasme de notre regretté confrère, Jean-Luc Macia : le spectacle de Christophe Gayral est certes amusant, mais la transposition dans les « seventies » nous semble un peu facile et réductrice.

On comprend vite que Despina et Don Alfonso entendent convertir les deux couples, jeunes gens bien comme il faut mais corsetés, à l’amour libre. Mais est-ce bien là le sujet de l’opéra, où, derrière l’apparente convention du livret de Da Ponte, la musique de Mozart parvient à suggérer une troublante profondeur des sentiments ?

On regrette également que, comme chez Robert Carsen, dont Christophe Gayral a été l’assistant, cette esthétique très léchée produise un tableau aussi « propre » d’un mouvement qui prônait tous les excès. Ceci posé, il faut reconnaître que le tout est mené tambour battant, avec une grande efficacité.

Bien sage aussi, la direction du jeune chef belge Karel Deseure, élégante mais pas assez contrastée, offre un soutien un peu maigre et mollasson aux chanteurs – au contraire du pianoforte énergique et éloquent de Kira Parfeevets dans les récitatifs. Elle n’évite pas, non plus, quelques problèmes de mise en place.

De la distribution stéphanoise, seules ont été gardées Dorabella et Despina. Pour une œuvre d’ensembles comme Cosi, on regrette que les voix n’aient pas été mieux appariées. C’est particulièrement frappant pour les deux sœurs, dont les timbres manquent de fusion, mais aussi pour les fiancés. Quant au moment magique du trio « Soave sia il vento », il manque cruellement de fondu sonore et d’émotion.

Le baryton serbe David Bizic offre, pourtant, un Don Alfonso vocalement solide et scéniquement convaincant. À ses côtés, la Despina délurée et effrontée de Pauline Courtin déploie un chant sûr, quoique non dénué de dureté dans l’aigu – ce que la plastique avantageuse (et outrageusement exposée !) de la soprano française fait aisément oublier.

Sa compatriote Marion Lebègue prête son mezzo de bronze et son tempérament à une Dorabella explosive. La soprano franco-néerlandaise Barbara Kits se montre plus irrégulière, voix belle et longue, mais intonation parfois incertaine, notamment dans les ensembles. Sa Fiordiligi semble plus à l’aise dans l’intériorité et le cantabile de « Per pietà » que dans les extraversions virtuoses de « Come scoglio ».

Le ténor italien Dave Monaco est un Ferrando au timbre un peu étroit et nasal, mais la conduite de la ligne est impeccable, avec un legato soignéet une coloratura précise. À l’inverse, son compatriote Vincenzo Nizzardo affiche des moyens importants, en Guglielmo, mais ce chant sonore demeure assez fruste d’expression.

Si le spectacle a globalement reçu un bon accueil du public, il ne nous paraît pas tout à fait à la hauteur de l’œuvre.

THIERRY GUYENNE


© Frédéric Stéphan

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