CD / DVD / Livres Christian Gerhaher défend Othmar Schoeck
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Christian Gerhaher défend Othmar Schoeck

19/08/2022

1 CD Sony Classical 19439963302

Des trois grands compositeurs suisses du siècle dernier, Othmar Schoeck (1886-1957) est toujours celui qu’on cite en dernier, après Arthur Honegger et Frank Martin, voire qu’on oublie carrément de citer.

Même Dietrich Fischer-Dieskau, qui l’a inlassablement défendu, a laissé en partie de côté ses cycles vocaux avec accompagnement instrumental – sept en tout : Elegie, Gaselen, Lebendig begraben, Wandersprüche, Notturno, Befreite Sehnsucht, Nachhall –, en devant se contenter de Notturno (CBS & EMI Classics) et Lebendig begraben (Claves).

Une lacune particulièrement frustrante en ce qui concerne Elegie, recueil de lieder sur des textes de Lenau et Eichendorff, achevé en 1922, dont le caractère crépusculaire aurait merveilleusement bien convenu au légendaire baryton allemand.

Une des vraies difficultés de ce cycle en vingt-quatre étapes est l’équilibre à trouver entre le baryton et l’accompagnement, fondu en une matière ductile (cinq vents, quatuor à cordes, percussion et piano). Si la voix est trop présente, elle donne au texte poétique une primauté écrasante, ce qui était le cas de l’ancienne version d’Arthur Loosli (Jecklin, 1967), au demeurant impeccable. L’autre enregistrement facilement accessible, celui d’Andreas Schmidt (CPO, 1999), paraît mieux équilibré et reste sans doute, aujourd’hui, le meilleur compromis.

La nouvelle version de Christian Gerhaher, gravée en studio, en mars 2020, recherche, en effet, une subtilité complètement diaphane. Un parti pris qui sied parfaitement à la voix du baryton allemand, dont l’épaisseur du timbre n’a jamais été un point fort. On ne perd rien du texte, grâce aux artifices de la prise de son, mais, pour ce qui est des couleurs, on a surtout droit à de fascinantes mixtures entre le souffle du chanteur et les instruments – perspective typique, d’ailleurs, du propre travail de compositeur du chef suisse Heinz Holliger, dont on ressent bien l’influence dans ce paysage infinitésimal.

Ce raffinement exacerbé est-il en phase avec l’esprit de ce voyage initiatique, que l’on a pu comparer au Winterreise schubertien ? En partie oui, mais au prix d’un relatif aplatissement des reliefs. Pour les adeptes d’une intériorisation extrême, cette version d’Elegie sera parfaite, les autres risquant de rester à la porte. Mais, indiscutablement, le résultat, souvent sublime, mérite qu’on y consacre beaucoup d’attention.

LAURENT BARTHEL

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