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Interview

Christiane Karg – Un nouveau disque de mélodies pour Noël

25/11/2021
© GISELA SCHENKER

C’est pour Harmonia Mundi, sa maison de disques depuis trois ans, que la soprano allemande a enregistré Licht der Welt : A Christmas Promenade, un récital sorti en France, le 26 novembre dernier, qui réunit de petits bijoux allemands, français, italiens et espagnols.

Comment avez-vous vécu cette longue période d’arrêt ?

Comme pour tout le monde, ces mois ont été difficiles, et ces annulations douloureuses. Mais prenons le bon côté des choses : cela m’a permis d’être en famille bien plus que d’habitude, en particulier autour de Noël. De plus, pendant le second confinement, j’étais enceinte, donc le timing était parfait ! Enfin, durant tout ce temps, je n’ai pas arrêté de travailler. J’ai pu étudier beaucoup de partitions, puis enregistrer le programme de Noël qui sort chez Harmonia Mundi.

Dans votre carrière, le récital tient une place très importante, avec beaucoup d’originalité dans la conception des programmes. Pour Berlin Classics, vous aviez ainsi enregistré les albums Verwandlung : Lieder eines Jahres, autour des saisons, et Parfum, dédié à la mélodie française. Comment avez-vous composé ce dernier disque autour de Noël ?

Tout est parti du désir de faire un album, avec des chants de Noël de Cornelius et Humperdinck. Ne voyant pas l’intérêt de graver une énième version de Stille Nacht ou Jingle Bells, j’ai cherché des raretés, toujours dans les mélodies « savantes ». Et une découverte en amenant une autre, j’ai finalement eu de la matière pour cinq CD ! J’ai choisi les pièces qui me semblaient les plus intéressantes, dans des langues, outre ­l’allemand, que je maîtrise, comme le français, l’italien et l’espagnol. Parmi elles figurent de petits bijoux signés Joaquin Nin, Grieg ou Massenet, une cantate (en français) de Rossini, une autre (en italien) de Saint-Saëns, mon titre favori étant le Noël des jouets de Ravel. Leur point commun est d’aborder le charme propre à Noël. Le confinement m’a replongée dans cette ­atmosphère de fêtes familiales, et j’ai voulu, avec ce disque, faire retrouver cette nostalgie de l’enfance que tout adulte garde au fond de lui. Le choix du pianiste Gerold Huber comme accompagnateur – et aussi arrangeur – s’est vite imposé, du fait aussi de la proximité géographique. Et le Chœur de la Radio Bavaroise (Chor des Bayerischen Rundfunks), à l’arrêt au moment de l’enregistrement, a pu venir comme « invité surprise ». Je suis très heureuse que ma nouvelle maison de disques, Harmonia Mundi, me suive dans cette aventure, et nous avons d’autres beaux projets à venir !

À l’opéra, le cœur de votre répertoire reste Mozart…

Il m’accompagne depuis toujours : enfant, je chantais, dans ma chambre, tous les rôles de Die Zauberflöte, que mes parents m’avaient emmenée voir à Salzbourg… Quelle joie d’y revenir, des années plus tard, pour étudier au Mozarteum, puis faire mes débuts au Festival, en 2006, en Melia dans Apollo et Hyacinthus et Weltgeist – c’est-à-dire l’Esprit du monde – dans Die Schuldigkeit des ersten Gebots ! L’été suivant, j’y assurais Bastienne dans Bastien und Bastienne et Mademoiselle Silberklang dans Der Schauspieldirektor. Ont suivi, ailleurs, Ismene (Mitridate), Servilia (La clemenza di Tito), Sandrina (La finta giardiniera)… Les deux héroïnes que j’ai le plus chantées sont Pamina (Die Zauberflöte) et Susanna (Le nozze di Figaro). La première figure toujours à mon répertoire ; la seconde l’a quitté, en 2018, un an avant ma prise de rôle en Comtesse Almaviva. Il est important pour moi, désormais, d’aborder des emplois un peu plus lourds, comme Fiordiligi dans Cosi fan tutte, en 2020.

Vous aviez, un moment, songé à Konstanze dans Die Entführung aus dem Serail

Oui, mais en la travaillant, je l’ai trouvée trop tendue d’un ton. Je devais la chanter en concert, mais souffrante, j’ai été obligée d’annuler : un signe ! Car pourquoi chanter un rôle qui me coûterait tant d’efforts, et dans lequel je ne serais, au mieux, que moyenne, alors que d’autres y sont très bien ? Chez Mozart, tout doit toujours sonner limpide, mais pour parvenir à ce naturel, que de travail ! Sa musique est, aussi, un gage de santé vocale. J’avais été choquée, par exemple, quand, durant mes études en Italie, on m’avait refusé de présenter l’un de ses airs à l’examen, jugé trop facile… Résultat : certains de mes condisciples, au potentiel énorme, se sont irrémédiablement cassé la voix, en chantant des choses trop lourdes !

Richard Strauss est l’autre compositeur phare de votre carrière…

Mon premier grand rôle a été Zdenka dans Arabella : c’est arrivé au bon moment, en 2012, alors que ma voix s’était développée dans l’aigu. Ensuite, j’ai beaucoup chanté Sophie dans Der Rosenkavalier, un peu ma « carte de visite », comme à la Scala de Milan. J’y ai renoncé, à présent. Ma première Daphne, en 2019, à Hambourg, a été une immense joie. Et j’espère aborder, un jour, la Maréchale et Arabella.

D’autres rôles en projet ?

Dans l’opéra français, à côté de Blanche de la Force (Dialogues des Carmélites)et Mélisande (Pelléas et Mélisande), dont je ne me lasse pas, comment ne pas songer à Manon ? J’aimerais, aussi, qu’on pense de nouveau à moi pour le baroque : j’ai adoré faire La Calisto de Cavalli, Ariodante de Haendel, ainsi que Castor et Pollux et Hippolyte et Aricie de Rameau. Mais mes rêves les plus chers sont les rôles-titres de Rusalka et, plus encore, Jenufa ! En attendant, le 23 avril prochain, j’aborderai Freia dans Das Rheingold, avec Yannick Nézet-Séguin, au Théâtre des Champs-Élysées.

Propos recueillis par Thierry Guyenne

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