Opéras Les jeunes et l’écologie à Montpellier
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Les jeunes et l’écologie à Montpellier

23/03/2023
© Marc Ginot

Opéra Comédie, 8 mars

Les opéras traitant de l’urgence climatique ne sont pas si rares. On se souvient, par exemple, du Messie du peuple chauve d’Éric Breton (Avignon, 2020), ou de Like flesh de Sivan Eldar (Lille, 2022), deux ouvrages impatients de nous montrer comment les arbres sont les témoins de notre incapacité à protéger le monde qui nous environne.

Climat, création mondiale de l’Opéra Orchestre National Montpellier, va plus loin, ou plutôt ailleurs : sur un sujet comparable, il s’agit non pas de confier une partition à des chanteurs professionnels, mais d’inviter des enfants et des adolescents, à l’occasion des 30 ans d’Opéra Junior, à se faire les interprètes, dans tous les sens du terme, d’un ouvrage édifiant, qui se veut au moins autant un manifeste qu’une œuvre d’art.

Il y a bien là une partition, signée Russell Hepplewhite (né en 1982), écrite avec soin, avec un thème-décor et des rythmes de marche qui peuvent rappeler Chostakovitch, et que le chef Jérôme Pillement, directeur d’Opéra Junior, défend avec conviction. Le compositeur britannique a fait sien le projet : sa musique n’a rien de révolutionnaire, elle permet à la centaine de voix réunies sur le plateau, grâce à une écriture strictement syllabique, de se faire entendre au mieux. Les instruments, ainsi, soutiennent les voix sans jamais les couvrir, ni prendre à leur compte la narration.

C’est dans les moments collectifs que l’enthousiasme de tous se fait le mieux entendre (la parodie de Savez-vous planter les choux ?, confiée aux plus petits), et il faut applaudir tous les enfants, adolescents et étudiants, de 7 à 25 ans, qui font preuve à la fois d’entrain et de rigueur. Les voix solistes ne sont pas, au début, très assurées mais, au fil du spectacle, Hermione Delaygue (alternant avec Lilou Tuzet, en Juliette) gagne en aplomb, face à Romane Minodier (alternant avec Léna Chevrot Roche, en Alice, mère de la précédente).

Ce sont là les deux rôles principaux de l’intrigue imaginée par Helen Eastman, diplômée d’Oxford et du King’s College de Londres, dont le livret, écrit en français, est le seul point noir de cette production. Un livret qui a tout d’un tract dilaté, qu’aurait pu signer Greta Thunberg.

L’histoire tient en quelques mots : Juliette se rend au lycée, où elle croise des filles et des garçons de son âge, déterminés à manifester pour la protection de la planète. Elle fait grief à Alice de n’avoir jamais agi dans ce sens, et celle-ci, après s’être demandé si elle n’était pas une mauvaise mère, ouvre aux manifestants les portes de l’usine où elle travaille. Les journalistes se précipitent, ce qui nous vaut un joli florilège de reportages dans toutes les langues (danois, portugais, russe, thaïlandais…), puis la police, à la fin, vient doucher les ardeurs de tout ce petit monde, mais sans les éteindre.

Sur cette trame simplette, Helen Eastman ne fait que juxtaposer des phrases quotidiennes (« Tu veux des pâtes ? Super ! », « Cool, c’est génial ! ») à des considérations générales (« Votre génération est le problème », « Ce n’est pas facile de défendre ce à quoi on croit ») et des mots d’ordre maladroitement formulés (« Une autre opportunité pour faire la différence »). L’avenir, la vie, l’humanité méritent mieux que cette succession de formules creuses.

Damien Robert met en scène, avec beaucoup de sympathie, la conviction des adolescents et leur besoin de bouger, mais ne peut pas aller bien loin avec ce livret. Une idée lumineuse lui est venue, cependant : il a choisi d’intégrer au spectacle deux comédiennes chansigneuses (Aurore Corominas et Lisa Martin), qui traduisent le propos en langage des signes et, au lieu de se tenir benoîtement côté cour ou côté jardin, font partie intégrante de l’action. Elles lui apportent, ainsi, le supplément de poésie dont elle serait privée, si le livret en était l’alpha et l’oméga. Il y a là quelque chose de généreux, qui contribue au dynamisme de la production.

Les décors et les costumes répondent au même souci : ils ont été récupérés dans les stocks de la maison, des friperies et autres recycleries. Si l’on part du principe que l’intrigue, ou ce qui en tient lieu, occupe dix-sept lieux, c’est un ensemble de modules en bois (cinq grands, trois petits) qui les définissent, sachant que les espaces se transforment à vue et donnent à Climat, dont le titre dit tout, sa souplesse et sa légèreté scéniques.

On aurait aimé plus d’interrogations et d’ambiguïté, mais sans doute fallait-il aller à l’essentiel, pour que les jeunes chanteurs d’Opéra Junior puissent donner le meilleur d’eux-mêmes.

CHRISTIAN WASSELIN

PHOTO © Marc Ginot


© Marc Ginot

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