Opéras Manaus fête Maria Callas
Opéras

Manaus fête Maria Callas

09/06/2023
© Marcio James

Teatro Amazonas, 20 mai

Alors qu’on célèbre le 100e anniversaire de sa naissance (2 décembre 1923), Maria Callas est, à titre posthume, la vedette de la nouvelle production d’Anna Bolena, au Festival « Amazonas de Opera ». Pendant toute l’Ouverture, défilent ainsi des images de la diva grecque, à la scène comme à la ville, ainsi que des événements marquants de son existence, notamment le mariage d’Aristote Onassis avec Jackie Kennedy, en 1968. Le diaporama se termine sur l’affiche de la légendaire reprise d’Anna Bolena, à la Scala de Milan, le 14 avril 1957.

Le premier acte se déroule dans un très beau dispositif, constitué d’un trône posé sous un baldaquin, tous deux en bois, avec des ornements en filigrane, imitant les fines broderies en métal des quatre séries de loges du Teatro Amazonas. À droite, le rideau de scène et le fragment d’un théâtre, avec sa façade et ses loges, que l’on identifie immédiatement comme la Scala. Tous les personnages sont en habits Renaissance (courtisans en noir, Giovanna en rouge, Smeton en bouffon, Enrico tout droit descendu d’un portrait d’Henry VIII), à l’exception d’Anna, en robe noire à grosses fleurs rouges, typique des années 1950.

Quand l’action se transporte dans les appartements de la reine (acte I, scène 3), le baldaquin devient lit, d’un rouge entêtant, décor que l’on retrouve, au début du II, complété par des dizaines de bougies dispersées sur le sol, créant une lumière fort évocatrice. On s’y attendait depuis l’Ouverture, mais le moment où Giovanna, entre les deux sections de son air (acte II, scène 2), enlève sa robe Renaissance pour s’habiller en Jackie Kennedy fait son petit effet. La suite est logique : Anna chante toute la scène finale dans la célèbre robe bleue, au col bordé de pierreries, portée par Maria Callas, en 1957, devant une gravure sépia d’époque romantique, représentant la nef d’une église.

On peut trouver la ficelle un peu grosse, et trop artificiel le choix d’assimiler, à plus de quatre siècles de distance, la rivalité entre Anna Bolena et Giovanna Seymour, d’un côté, Maria Callas et Jackie Kennedy, de l’autre. Sauf qu’André Heller-Lopes, le metteur en scène, procède avec doigté, sans insister. Du coup, il relance l’intérêt dramaturgique d’un opéra vraiment trop long (la partition est jouée dans son intégralité absolue), dans lequel Donizetti, tout en entrant dans sa glorieuse maturité, se cherche encore.

Le vrai problème est, plutôt, le choix de l’interprète principale : une Tatiana Carlos que, par respect pour la mémoire de Maria Callas, on n’aurait jamais dû distribuer dans cette production. Puissante, la voix de la soprano brésilienne est tellement déstructurée, trafiquée, que pas une seule note n’est juste. Un véritable supplice pour les oreilles, comme nous en avons rarement vécu dans notre carrière de mélomane !

La Giovanna de la mezzo Luisa Francesconi, elle aussi brésilienne, possède au moins un timbre chaleureux, une vraie richesse dans le médium et le grave, même si tous ses aigus sont trop bas. On lui préfère ses compatriotes Juliana Taino, Smeton à la couleur de voix séduisante, à l’émission franche et homogène, et Savio Sperandio, une vraie basse en Enrico, au chant sonore et nuancé.

L’étoile de la soirée est, incontestablement, Francisco Brito en Percy. À 38 ans, le ténor argentin, passé par les Académies d’Osimo, Bologne et Pesaro, délivre une époustouflante leçon de bel canto. Rien ne manque : ni le souffle nécessaire pour soutenir les longues phrases cantabile, ni la poésie dans le phrasé, ni la précision dans les roulades, ni la facilité dans l’aigu et le suraigu. L’émission, très haut placée, peut paraître un rien nasale, mais ce n’est pas un handicap dans les rôles écrits pour l’illustre Gio. Battista Rubini, surtout quand l’interprète fait preuve d’autant d’énergie et de charme.

Chef adjoint de l’orchestre Amazonas Filarmonica, Marcelo de Jesus dirige avec une maîtrise et une intuition stylistique impressionnantes. Quant au chœur (Coral de Amazonas), il se montre aussi valeureux que dans O Contractador dos diamantes, surtout côté masculin.

Richard Martet


© Marcio James

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