Freddie de Tommaso : Il Tenore (1 CD Decca 485 2945)

Jonathan Tetelman : Arias (1 CD Deutsche Grammophon 486 2927)

Dans sa critique de Passione, le premier récital offert par Decca à Freddie De Tommaso, Jean Cabourg avait conseillé à ce « jeune surdoué » (né en 1994) de ménager un organe des plus capiteux, menacé par une « constante forzatura » (voir O. M. n° 173 p. 68 de juin 2021). Pour le deuxième, également gravé en studio, en novembre 2021, le ténor italo-britannique a choisi de célèbres extraits d’opéras de Puccini et Bizet qui, une fois encore, le conduisent à en rajouter dans la démonstration vocale.

À certains moments, seulement, ce « lirico spinto musclé » (dixit Jean Cabourg) laisse deviner que son chant, tout en puissance, peut être également porteur d’émotion. Au théâtre, devant un public friand de performances, l’effet est garanti, mais il nous semble que le disque exige un engagement moins guerrier et une sensibilité plus affinée.

On ne saurait, pourtant, bouder son plaisir à l’écoute d’un chant aussi généreux et gorgé de soleil, qui nous ramène à l’époque des Franco Corelli et Mario Del Monaco. Et, pour les duos de Tosca (acte I), Madama Butterfly (id.) et Carmen (acte IV), Lise Davidsen, Natalya Romaniw et Aigul Akhmetshina sont respectivement des partenaires solides, en mesure de l’égaler en vaillance.

Paolo Arrivabeni dirige avec conscience le Philharmonia Orchestra, au service de ce ténor « tout feu, tout flamme ».

Jonathan Tetelman (né en 1988) se présente sous un tout autre jour, un choix d’œuvres bien plus large permettant, dans ce premier récital de studio, gravé en octobre-novembre 2021, de mieux mesurer les qualités de l’interprète. Ce n’est plus la force d’un organe que l’on remarque chez le ténor américain, mais une science plus subtile, qui humanise chacune de ses brèves incarnations.

Qu’il s’agisse de Werther (« Pourquoi me réveiller »), Lyonel dans Martha (« M’appari tutt’amor »), Jacopo Foscari (« Non maledirmi, o prode ») ou Don Alvaro dans La forza del destino La vita è inferno… O tu che in seno »), chaque personnage est dessiné avec sa sensibilité propre et la couleur vocale qui lui convient le mieux. Chez ce baryton devenu ténor (comme Carlo Bergonzi, dont il se rapproche parfois), les notes élevées sont abordées avec plus de prudence que d’intrépidité – ce qui ne l’empêche pas de délivrer un excitant « Di quella pira » (Il -trovatore), en conclusion du parcours.

Nous sommes un peu moins convaincu par la longue scène de l’acte III de Francesca da Rimini (en duo avec Vida Mikneviciute). En revanche, dans les airs séparés de Mascagni, Cilea et Giordano, l’élégance de Jonathan Tetelman constitue un atout indéniable, sous la baguette de Karel Mark Chichon, qui navigue avec un bonheur certain dans ce répertoire.

« La fleur que tu m’avais jetée » (Carmen) et « Addio, fiorito asil » (Madama Butterfly) figurent dans les deux récitals. Un ténor, aujourd’hui, doit-il être plutôt Superman ou Casanova ?

PIERRE CADARS

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