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Noces épatantes à Saint-Étienne

10/11/2022
© Cyrille Cauvet/Opéra de Saint-Étienne

Grand Théâtre Massenet, 6 novembre

On doit à Laurent Delvert de pertinentes mises en scène d’ouvrages oubliés, comme Der Traumgörge de Zemlinsky, à Nancy, en 2020, ou El Prometeo d’Antonio Draghi, à Dijon,  deux ans plus tôt. En s’emparant des très parcourues Nozze mozartiennes, pour cette nouvelle production de l’Opéra de Saint-Étienne, il livre plus de trois heures d’un théâtre qui met le sourire aux lèvres.

Pour décor, une maison-tournette imaginée par Philippine Ordinaire, sorte de demeure design plantée dans l’aridité andalouse, avec moucharabiehs post-modernes et orangers bordés d’azulejos. Dès l’Ouverture, le personnel, majordome, soubrette, ouvriers, valets, offre un ballet de servitude réglé au cordeau. Au premier étage, le domaine de la Comtesse, luxueux mais sobre, auquel on accède en se déchaussant, un rituel qu’accompliront tous les protagonistes. En dessous, la buanderie en travaux, où s’installe le couple ancillaire. Ce dispositif de pièces emboîtées peut se transformer en mur végétal, joliment éclairé par Nathalie Perrier.

L’histoire, on la connaît, et Laurent Delvert n’a pas besoin de nous torturer d’idéologie. Il fait rire au moment opportun, tout en actualisant la critique du pouvoir des mâles, abattu par la rouerie des femmes. Rendons grâce à la production de ne rien avoir retranché de la musique, que Giuseppe Grazioli dirige honnêtement, à la tête de l’Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire. « Il capro e la capretta » de Marcellina (excellente Marie Lenormand !) et « In quegli anni » de Basilio (ébouriffant Carl Ghazarossian !) trouvent toute leur place durant cet acte IV, où les classes méprisées voient leur revanche avec, en prime, une surprise finale fort bien amenée.

Le choix des chanteurs est brillant, depuis le solide Bartolo de Vincent Le Texier à l’espiègle Barbarina de Paola Leoci, en passant par Ronan Nédélec et Antonio Mandrillo, respectivement Antonio et Don Curzio, ici autre chose que de simples faire-valoir. Si Jean-Gabriel Saint-Martin met un peu de temps à investir vocalement Figaro, il s’épanouit pleinement après l’entracte. Alessio Arduini est un Comte impétueux, qui possède les couleurs d’un baryton verdien.

Charlotte Despaux attaque, sans faillir, le redoutable « Porgi, amor » de la Comtesse, puis gagne en humanité pour un « Dove sono » irréprochable. Le Cherubino d’Eléonore Gagey étonne : commençant la représentation en soprano, la voix se colore en mezzo, mûrissant à l’image de ce trublion scéniquement très sollicité.

Il y a, enfin, la formidable Susanna de Norma Nahoun, au timbre pulpeux et piquant à souhait. Le costume et le maquillage d’Erika Carretta la dotent d’un je-ne-sais-quoi d’une Laure Calamy mutine, tout à fait dans l’air du temps. De quoi emporter l’adhésion du public stéphanois (dont, ô joie, de nombreux ados !) pour ces Nozze épatantes, où l’opéra démontre son éternelle actualité.

VINCENT BOREL


© Cyrille Cauvet/Opéra de Saint-Étienne

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