Opéras Retour réussi de La traviata à Toulouse
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Retour réussi de La traviata à Toulouse

05/05/2023
© Mirco Magliocca

Théâtre du Capitole, 21 & 22 avril

Créée à Toulouse, en septembre 2018 (voir O. M. n° 144 p. 59 de novembre), reprise à Bordeaux, deux ans plus tard, malgré d’importantes contraintes techniques (voir O. M. n° 166 p. 44 de novembre 2020), cette production de La traviata retourne au Théâtre du Capitole, alors que son concepteur, Pierre Rambert, est aujourd’hui décédé. Passons donc sur l’incongruité de certains de ses choix et sur une direction d’acteurs souvent indigente, pour retenir de beaux costumes, quelques images fortes et, surtout, un sens inné du spectacle.

À 30 ans, Michele Spotti possède déjà une qualité qui devient rare : il sait se tenir à l’écoute de ses interprètes, les aider quand il le faut, sans pour autant abandonner ses justes prérogatives. Il parvient ainsi à rendre à chaque tableau la couleur qui lui sied, passant habilement des éclats factices de la fête aux teintes estompées qui préludent à la mort.

Pour les trois rôles principaux, il rencontre deux distributions différentes. De la première, l’on retient le raffinement vocal d’Amitai Pati : le jeune Samoan, dans la lignée des meilleurs ténors italiens d’hier (de Tito Schipa à Carlo Bergonzi, ce qui n’est pas rien !), compose un Alfredo Germont aussi élégant qu’émouvant. Pas d’effets de muscles, ni d’aigus claironnés à contresens. Une ligne impeccable, en revanche, et plusieurs passages souverainement chantés « a fior di labbra ».

Familière de Violetta Valéry, la soprano tchèque Zuzana Markova n’a pas de peine à en dégager les traits principaux. Les deux premiers actes la montrent prudente, tendue parfois (est-ce là un choix de sa part ?). Ce n’est qu’au troisième que l’actrice et la cantatrice s’accordent tout à fait. Dans un registre intime, bouleversant, son « Addio, del passato », ainsi que le duo qui suit, la montrent sûre de ses moyens, sans afféteries inutiles, en parfait accord avec son partenaire.

Le Giorgio Germont du baryton canadien Jean-François Lapointe est nettement plus banal, assez mal servi, il est vrai, par la mise en scène. Il en va de même pour un ensemble plutôt disparate de seconds rôles qui, avec plus ou moins de bonheur, interviennent suivant les besoins de l’intrigue.

Le lendemain, sous la direction musicale encore plus souple et inventive de Michele Spotti, Claudia Pavone dote sa Violetta d’une énergie vocale qui attire, aussitôt, l’attention sur elle. La jeune soprano italienne révèle un tempérament certain, qui lui permet d’être crédible de bout en bout dans cet opéra, dont elle semble connaître déjà toutes les ficelles.

En Alfredo, Julien Dran lui répond avec une chaleur et un engagement comparables. À ce stade d’une carrière prometteuse, on devine chez le ténor français une discipline, une pugnacité, qui ne peuvent que le porter plus haut encore. Le baryton uruguayen Dario Solari campe un Germont père, tel qu’on voudrait le voir toujours : autoritaire sans être pontifiant, humain sous sa carapace sévère.

Le vaillant Chœur de l’Opéra National du Capitole et les deux danseurs acrobates – François Auger et Natasha Henry, aux prouesses impressionnantes – ont leur juste part dans le succès public de soirées de ce type, où les esprits les plus blasés retombent, une fois encore, sous le charme de La traviata.

PIERRE CADARS


© Mirco Magliocca

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