Meyerbeer : Robert le Diable

3 CD Palazzetto Bru Zane BZ 1049

En conclusion de notre compte rendu de Robert le Diable, mis en espace à l’Auditorium de Bordeaux, en septembre 2021 (voir O. M. n° 177 p. 63 de -novembre), nous écrivions : « Le Palazzetto Bru Zane, partenaire du projet, a enregistré les trois concerts programmés. Moyennant les petites corrections de rigueur en pareil cas, s’agissant notamment de l’équilibre chœur/orchestre, nous tiendrons, enfin, l’intégrale de référence de Robert le Diable que nous appelons de nos vœux depuis tant d’années. »

La voici, cette intégrale, qui n’en est, d’ailleurs, pas vraiment une. Des coupures ont, en effet, été pratiquées, certes pas négligeables, mais en rien rédhibitoires, et, dans tous les cas, moins nombreuses que dans les précédentes éditions en CD de l’ouvrage – trente-cinq minutes de musique en plus, par rapport à la meilleure version jusqu’ici accessible, captée sur le vif, à Salerne, en 2012, sous la baguette de Daniel Oren (Brilliant Classics). Dans le somptueux livre-disque édité par le Palazzetto, elles sont, en plus, clairement indiquées dans la reproduction du livret.

Pour le reste, l’équilibre chœur/orchestre est, effectivement, bien meilleur, sans atteindre, pour autant, la qualité d’une  prise de son en studio. Surtout, les gros décalages constatés dans la salle, au premier acte, ont été corrigés. Les micros (et le mixage de plusieurs soirées) confèrent, également, de la présence au Raimbaut de Nico Darmanin. La voix n’est pas des plus agréables, on ne comprend pas ce qu’il dit dans sa « Ballade » du I, mais son « Duo bouffe » du III avec Bertram, très réussi, balaie nos réserves.

Plus-value, encore, pour l’Isabelle d’Erin Morley, à laquelle le disque apporte le supplément de corps qui faisait défaut à son timbre. Son Isabelle, déjà exceptionnelle à Bordeaux, touche cette fois au miracle, notamment par la lumière et la facilité de ses aigus et suraigus, forte comme piano. Une éblouissante leçon de chant, aussi parfaite techniquement que chargée d’émotion. Et quelle qualité de diction, partagée d’ailleurs avec ses trois principaux partenaires ! Ils forment un quatuor d’une homogénéité jamais encore atteinte au disque dans Robert le Diable.

Amina Edris possède les moyens exacts d’Alice : timbre sensuel, aigu riche et puissant (quel contre-ut !), fougue dramatique dévastatrice, d’abord dans son affrontement avec Bertram, au III, puis dans l’électrisant trio du V.

Nicolas Courjal est toujours superbe, restituant, comme personne avant lui, le caractère hybride du rôle de Bertram. L’immense Samuel Ramey, à Paris, en 1985 (CD Legato, Gala…), conserve la suprématie sur le plan vocal. Mais la basse française met encore mieux en valeur la dimension parodique du personnage, que Meyerbeer a inscrit dans la double tradition de l’opéra « sérieux » et de l’« opéra-comique ».

John Osborn, enfin, confronté à un redoutable marathon (il hérite, en plus du reste, de l’air ajouté au début de l’acte II, en 1838, pour les débuts de Mario à l’Opéra de Paris), laisse pantois. Ne voulant pas nous répéter par rapport à notre compte rendu du concert bordelais, nous nous bornerons à souligner, une fois encore, l’époustouflante aisance du ténor américain dans le suraigu (quels contre-ut et contre-ré !), ainsi que l’extraordinaire mélange d’énergie, de tendresse et de sens du spectaculaire qui caractérise sa manière de chanter.

À la tête d’un orchestre et d’un chœur en bonne forme, Marc Minkowski enlève le tout avec une flamme irrésistible, mettant bien en valeur l’originalité de l’écriture de Meyerbeer, entre autres dans la « Procession des nonnes », au III, orchestrée avec une audace et un flair dramatique ahurissants.

RICHARD MARTET

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