Opéras Superbe Tour d’écrou à Dijon
Opéras

Superbe Tour d’écrou à Dijon

10/03/2023
© Mirco Magliocca

Grand Théâtre, 2 mars

Nous ne reviendrons pas sur cette mise en scène de Dominique Pitoiset – par ailleurs directeur général et artistique de l’Opéra de Dijon, depuis le 1er janvier 2021 –, créée à Bordeaux, le 30 novembre 2008, avec Paul Agnew et Mireille Delunsch dans les rôles principaux.

Notre confrère Jean-Marc Proust en avait très bien rendu compte à l’époque (voir O. M. n° 36 p. 36 de janvier 2009), puis lors de ses reprises, à Rennes (voir n° 72 p. 61 d’avril 2012) et à Tours (voir n° 95 p. 66 de mai 2014). Observons simplement que ce superbe spectacle semble n’avoir rien perdu de sa force, ni de sa beauté, s’appuyant, de surcroît, sur une direction d’acteurs très fouillée.

À la tête de treize excellents musiciens de l’Orchestre Victor Hugo, la cheffe américaine Elizabeth Askren montre une précision remarquable, sans que sa direction ne paraisse sèche ou cérébrale, avec un instinct théâtral et un sens du timing qui rendent évidente cette délicate succession de variations.

Le plateau est sans faille, à commencer par les deux épatants solistes de la Maîtrise des Hauts-de-Seine, dirigée par Gaël Darchen. À 17 ans, Marie Texier a une jolie voix déjà très assurée, pour une Flora perverse à souhait, sous des dehors policés. Mais peut-être est-on encore plus impressionné par le Miles d’Henri François-Dainville, qui montre, à 12 ans, une belle maturité, avec un soprano très juste et bien projeté, et un jeu théâtral remarquable.

Seule à avoir participé à la création du spectacle, comme à toutes les reprises, la Française Cécile Perrin donne corps à une Miss Jessel plus torturée que maléfique, les irrégularités de cette voix puissante, à l’aigu métallique et au grave rauque, traduisant bien tous les déchirements de l’ancienne gouvernante.

C’est, au contraire, l’homogénéité de l’instrument qui frappe chez l’Américain Jonathan Boyd, ténor percutant et ductile, se montrant aussi à l’aise dans la narration du Prologue que dans les mélismes enchanteurs ou les soudains accès de violence de Peter Quint, dont il dessine un portrait d’une inquiétante séduction. Quant à la Britannique Heather Shipp, elle prête son mezzo profond et chaleureux à une Mrs. Grose débonnaire, assez vite dépassée, comme il se doit, par les événements.

Enfin, il faut souligner l’exceptionnelle réussite de la prise de rôle de Marianne Croux, en Gouvernante, dont elle traduit la complexité avec une totale évidence vocale et scénique, nous faisant partager son vaste parcours émotionnel, de la joyeuse insouciance du début jusqu’au désespoir final de n’avoir pu sauver Miles.

La voix, fraîche et facile sur toute la tessiture, sonne fruitée dans le médium et le grave, lumineuse dans l’aigu, capable aussi d’une impressionnante ampleur, sans jamais paraître forcée, ni renoncer à sa rondeur. Sans aucun doute, un rôle pivot dans la jeune carrière de cette magnifique soprano lyrique franco-belge !

THIERRY GUYENNE


© Mirco Magliocca

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