Opéras Sympathique Zaide à Nantes
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Sympathique Zaide à Nantes

03/03/2023
© Laurent Guizard

Théâtre Graslin, 26 février

Bravo à l’Opéra de Rennes et Angers Nantes Opéra d’afficher, en coproduction avec l’Opéra Grand Avignon et le Théâtre de Cornouaille, à Quimper, la trop rare Zaide de Mozart ! De ce « Singspiel », abandonné par le compositeur, en 1780, ne nous reste qu’une bonne heure de musique – dont le « tube » pour soprano « Ruhe sanft, mein holdes Leben ». Il manque ainsi l’Ouverture et la fin, ainsi que l’intégralité des dialogues parlés.

Pour ce nouveau spectacle, créé le 6 février, à Rennes, on a réuni le trio qui a déjà porté au succès La Dame blanche de Boieldieu, montée par La Co[opéra]tive : le chef d’orchestre Nicolas Simon, l’arrangeur et compositeur Robin Melchior, et la metteuse en scène Louise Vignaud.

Cette dernière, aidée par Alison Cosson, a écrit une nouvelle pièce en français, racontant une tout autre histoire que celle du livret original de Schachtner, où s’insérent les morceaux chantés en allemand. Quant à Robin Melchior, il a eu la lourde et passionnante tâche de compléter l’opéra, avec une Ouverture et un finale, dans un style entrant en résonance avec la musique de Mozart, sans pour autant céder à la tentation du pastiche.

Dans la pièce de Louise Vignaud et Alison Cosson, pas de sérail, et pas de sultan amoureux de sa belle captive, mais une île, où ont échoué trois enfants : Soliman, Allazim et Zaide. Une fratrie sur laquelle, depuis son arrivée, dix-sept ans plus tôt, veille, sans se montrer, Inzel, l’Esprit du lieu – rôle tenu par la comédienne  Marief Guittier. L’arrivée d’un autre naufragé, Gomatz, dont Zaide tombe amoureuse, rompt l’équilibre, le jeune couple décidant de profiter du bateau pour quitter l’île, en compagnie d’Allazim.

Soliman, furieux, qui voit le départ de ses frère et sœur comme une trahison, menace tout le monde de mort, dans un quatuor très dramatique, dernier morceau achevé par Mozart. Survient alors Inzel, véritable dea ex machina qui, se montrant enfin, résout la crise, en les enjoignant tous à partir vers de nouveaux horizons.

Pour parvenir à ce nouveau scénario, il a fallu modifier les rapports entre les personnages et opérer quelques coupes : le chœur d’esclaves du début et, surtout, le rôle d’Osmin, gardien du sérail. Bien plus grave, passe également à la trappe le magnifique « mélodrame » où Soliman, apprenant la fuite de Zaide avec Gomatz, éclate en reproches contre sa belle captive.

La figure du Sultan est, de toute façon, problématique ici : comment expliquer son ressentiment envers Zaide et ses menaces de mort, s’il n’est ni amoureux d’elle, ni en position de souverain face à des esclaves – mot qui figure expressément dans les airs ? Du coup, la pièce devient un peu bancale, avec des enjeux dramaturgiques assez faibles et artificiels, d’autant que le texte paraît difficile à énoncer pour les chanteurs non francophones.

Le décor (quelques blocs de rochers, rendant les déplacements limités et périlleux) est plutôt modeste, à l’instar des costumes, se référant à des esthétiques fort variées, entre Le Dernier des Mohicans et Pocahontas (pour les naufragés), et un look futuriste très Avatar (pour Inzel).

Sous l’élégante direction de Nicolas Simon, l’Orchestre National de Bretagne n’offre un soutien réel aux chanteurs que dans les compositions de Robin Melchior : une Ouverture maritime aux jolis accents, entre Elgar et Britten, et un quatuor final plein d’allant, dans un style de « musical » américain.

À côté de la présence décalée de Marief Guittier – pas toujours assez projetée de voix, cependant –, la jeune distribution montre un jeu souvent maladroit. La soprano russe Kseniia Proshina aborde « Ruhe sanft, mein holdes Leben » avec aisance, sinon avec toute la tendresse requise, mais semble plus à l’aise dans le dramatisme de « Tiger ! ».

Le Français Kaëlig Boché apporte un joli timbre et de la délicatesse à Gomatz, malgré quelques aigus un peu en force. L’autre ténor, l’Américain Mark Van Arsdale, fait preuve d’autorité en Soliman, avec une voix mordante et sonore. On est plus réservé sur l’Allazim du Britannique Niall Anderson, baryton-basse assez puissant, mais à l’émission irrégulière et à l’intonation fluctuante.

Un spectacle inégal, mais fort sympathique.

THIERRY GUYENNE


© Laurent Guizard

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