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Jeune talent

Théo Imart, dans la maison de Marcel Landowski

27/04/2023
© CATERINA BIASI

Créée en 1988, La Vieille Maison conte les pérégrinations de Marc, entre rêve et cauchemar. Destiné à un garçon soprano, le rôle de l’enfant au sommeil troublé est confié, dans la nouvelle production présentée à Angers, le 6 mai, puis à Nantes, le 13, au contre-ténor français Théo Imart.

N’étant pas issu d’une famille de musiciens, c’est sur un terrain de foot que le petit Théo Imart dépense son énergie débordante. Il chante aussi, beaucoup, sans cesse, et ses parents voient dans la pratique musicale une opportunité de calmer cet enfant hyperactif. Pari réussi : à 9 ans, Théo se prend au jeu, et trouve autant de plaisir à donner de la voix qu’à être avec ses nouveaux amis de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône, qu’il a intégrée grâce à une petite annonce de recrutement.

Le rythme intense des répétitions ne le décourage pas, au point qu’il rejoint une classe aménagée, à son entrée au collège. C’est dans ce cadre qu’il participe à des productions de l’Opéra de Marseille et des Chorégies d’Orange, côtoyant les stars d’alors, sans même se rendre compte de sa chance. À l’adolescence, une mue lente lui permet de comprendre et de maîtriser le passage entre les registres de poitrine et de tête, et ainsi de rester sopraniste. Le directeur artistique et musical de la Maîtrise, Samuel Coquard, lui propose de poursuivre son parcours musical après le lycée.

À 18 ans, Théo Imart n’imagine pas embrasser une carrière artistique, car il n’envisageait pas de pouvoir vivre de la musique. Le chant est alors un plaisir, mais pas une passion. Il opte donc pour la raison, et s’inscrit en DUT de génie chimique. Ces deux années d’études, pendant lesquelles il continue les concerts, lui permettent de réflechir à son avenir de chanteur. Il prend la décision de tenter sa chance à Paris, où il intègre l’École Normale de Musique, dans la classe de Mireille Alcantara. « Quand je suis monté à Paris, je suis rentré dans la musique. » Comme s’il n’avait été auparavant qu’un invité, restant à la porte entrouverte d’une maison étrangère un peu intimidante.


Dans Aria di Potenza à Varsovie (2022). © SISI KREFT

En apprenant le répertoire, aussi bien en cours qu’à l’Opéra National de Paris, où il est ouvreur, il découvre la passion. Après avoir mené un travail sur la souplesse, la force et le corps de sa voix, il décide, à la fin de son cursus, en 2018, d’effectuer une année de perfectionnement, afin de peaufiner son jeu scénique auprès de la metteuse en scène Mireille Laroche. Il rejoint, ensuite, le « Jardin des Voix » de William Christie : en août 2019, il est Ramiro dans La ­finta giardiniera de Mozart. Lors des auditions, il a été en compétition, non seulement avec d’autres contre-ténors, mais aussi des mezzo-sopranos, puisqu’il s’agissait de reprendre un rôle créé par un castrat. Théo Imart est heureux de débuter sa carrière dans un environnement professionnel d’excellence. Cette expérience lui apporte de la confiance en lui, et il découvre la joie de la reconnaissance du public.

Hélas, le Covid déferle, et une grande partie de la tournée avec Les Arts Florissants est annulée. Les théâtres ferment, et la production d’Il ritorno d’Ulisse in patria à Bâle, dans laquelle il devait interpréter Amore, Giunone et Anfinomo, est reportée à la saison 2021-2022. En septembre 2020, à l’Opéra de Rouen Normandie, alors que les répétitions de Tannhäuser, où il chante le Jeune Berger, ont été menées à leur terme, la détection d’un cas asymptomatique dans la distribution conduit à l’annulation de la générale, puis de l’ensemble des représentations. L’élan de cette carrière prometteuse est ralenti…

L’activité reprend doucement, en 2021, année durant laquelle il chante le Stabat Mater de Pergolesi et le motet Nulla in mundo pax sincera de Vivaldi, avec Les Arts Florissants, puis Cherubino (Le nozze di Figaro), sous la baguette de Pierre Dumoussaud, au Festival Musique en Ré. En 2022, il retrouve Pergolesi, avec l’oratorio Li prodigi della divina grazia nella conversione e morte di San Guglielmo, duca di Aquitania, au Festival ­d’Aix-en-Provence, dont il a intégré l’Académie, et l’île de Ré, où il est Oreste, dans La Belle Hélène ­d’Offenbach.

Une relation de confiance s’instaure avec les chefs et les théâtres qui, après une première collaboration, le font travailler régulièrement, lorsque les productions s’y prêtent. La tessiture de contre-ténor, quoique plus rare que celle de soprano ou de ténor, permet toutefois à Théo Imart de s’ouvrir à de nombreux répertoires, dont le contemporain, comme c’est le cas à Angers Nantes Opéra, où il sera Marc, le héros de La Vieille Maison de Marcel Landowski. Ou au Theater St. Gallen, en Suisse, où il participera, en octobre prochain, à la création de Lili Elbe de Tobias Picker, un opéra inspiré de la vie de l’artiste danoise, première femme transgenre à avoir subi une chirurgie de réattribution sexuelle, au début des années 1930.

De la musique ancienne à celle du XXIsiècle, le chanteur souhaite explorer toutes les facettes de sa voix, et aimerait aborder Haendel qui, selon lui, « coule de source ». À quand Sesto (Giulio Cesare), Ruggiero (Alcina) et, pourquoi pas, le rôle-titre de Serse ?

À 28 ans, Théo Imart bouillonne d’une énergie contenue pendant la crise sanitaire, et se sent prêt à relever les défis qui lui seront proposés.

Propos recueillis par KATIA CHOQUER 

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