Opéras Tristan sans Isolde à Paris
Opéras

Tristan sans Isolde à Paris

03/02/2023
© Opéra National de Paris/Elisa Haberer

Opéra Bastille, 29 janvier

On aime ou on n’aime pas cette production, dans laquelle certains reprochent à la vidéo de vampiriser la mise en scène. Personnellement, pour cette cinquième reprise à l’Opéra Bastille (voir, en dernier lieu, O. M. n° 144 p. 52 de novembre 2018), elle nous a captivé avec la même intensité, ou presque, qu’à sa création, en 2005. Et, une fois encore, nous avons été bluffé par la manière dont Peter Sellars fait, à chaque fois, évoluer sa direction d’acteurs, en fonction de ses interprètes – en l’occurrence, il a entièrement modifié la fin de l’acte II, à partir de l’entrée de Marke.

Presque, disions-nous, parce que le couple central est, sans doute, le moins convaincant réuni depuis 2005. Passe encore pour le ténor suédois Michael Weinius, remplaçant Gwyn Hughes Jones pour toute la série de représentations, Tristan aussi honnête et endurant que dépourvu du moindre charisme, vocal ou scénique. Mais que vient faire Mary Elizabeth Williams en Isolde ?

Huée le soir de la première, mais chaleureusement applaudie en cette matinée du 29 janvier, la soprano américaine n’est à la hauteur des exigences du rôle et du lieu que dans la nuance piano. Dès qu’il faut un tant soit peu donner de la voix, l’aigu se transforme en cri, avec des résultats catastrophiques dans les « Imprécations » du I ou les retrouvailles avec Tristan, au II. D’autant que la couleur du timbre, vraiment peu agréable, prive le chant de tout charme, handicap aggravé par une tendance à surjouer la colère, au point de réduire Isolde à une virago.

Le contraste est frappant avec la magnifique Brangäne d’Okka von der Damerau, qui l’aurait très avantageusement remplacée. La mezzo-contralto allemande a parfaitement réussi sa reconversion en soprano et, après Brünnhilde (Die Walküre), qui figure déjà à son répertoire, rien ne s’oppose, a priori, à ce qu’elle aborde Isolde. Elle en a la couleur, la puissance, l’opulence dans le médium et le grave, la facilité et le rayonnement dans l’aigu.

Remarquable également, le Kurwenal de Ryan Speedo Green, étoile montante du chant américain, d’une autorité et d’une santé vocale impressionnantes. On ne peut en dire autant de son compatriote Eric Owens, dont l’instrument commence à bouger, mais qui émeut dans le monologue de Marke.

Très attendu pour son premier Wagner complet à l’Opéra National de Paris, dont il est le directeur musical, Gustavo Dudamel met du temps à faire monter la température et le I se traîne un peu. Les choses s’arrangent à partir du duo d’amour, pour parvenir à une « Mort d’Isolde » idéalement enivrante et extatique. L’orchestre sonne, de surcroît, de bout en bout somptueux, le chef vénézuélien saisissant la moindre occasion de mettre en valeur la finesse des détails instrumentaux.

RICHARD MARTET


© Opéra National de Paris/Elisa Haberer

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