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Les cinq questions d'Opéra Magazine

Salome Jicia :  « Un artiste doit être prêt à faire des choses inhabituelles »

17/06/2022
© Studio Amati Bacciardi

Adoubée par feu Alberto Zedda, le grand sage de Pesaro, Salome Jicia a suivi une voie rossinienne toute tracée, qui l’a menée une première fois à Nancy, en 2017, dans le redoutable rôle-titre de Semiramide. De retour à l’Opéra national de Lorraine pour Tosca, la soprano géorgienne confesse ses penchants mozartiens. Et rend un fervent hommage au metteur en scène Graham Vick, disparu l’an passé.

De quel rôle de votre répertoire vous sentez-vous le plus proche ?

J’adore Fiordiligi ! Dans ce rôle, je suis comme un poisson dans l’eau. La psychologie du personnage, sa vocalité, tout me convient chez elle. Quand je chante la musique de Mozart, je me sens en forme, et tout se met en place immédiatement. J’ai interprété Fiordiligi au Covent Garden de Londres, en 2019, dans une reprise du Così fan tutte très brillant et plein de fraîcheur monté par Jan Philipp Gloger, sous la baguette de Stefano Montanari. Thomas Allen faisait ses adieux en Don Alfonso, et ce fut un moment particulier pour nous tous. Bien sûr, on m’associe à Rossini plutôt qu’à Mozart, mais entre ces deux compositeurs, je penche plutôt vers le second – même si la Semiramide du Festival de Pesaro, en 2019, reste une expérience inoubliable, d’un niveau artistique très élevé, tant grâce à la direction de Michele Mariotti, qu’à la mise en scène de Graham Vick.

Salome Jicia (Donna Elvira) dans Don Giovanni à l’Opéra de Rome en 2019 © Yasuko Kageyama

Quelle est la chose la plus inhabituelle qu’un metteur en scène vous ait demandé de faire ?

Un artiste doit être prêt à faire des choses inhabituelles. C’est ce qui est intéressant dans le fait de monter sur scène. Par exemple, Graham Vick avait des idées très personnelles sur les œuvres. Il avait sa propre philosophie, et prenait des chemins assez risqués, mais toujours intéressants. J’ai travaillé plusieurs fois avec lui. Son Don Giovanni, à l’Opéra de Rome, était très loin de ce que le public attend habituellement. Et son Mitridate, au Covent Garden, un spectacle incroyable, qui échappe au temps, et restera comme un modèle de ce que doit être une production d’opéra. Pour moi, c’était un génie.

Que préférez-vous faire quand vous ne chantez pas ?

En général, je voyage seule, car mon mari et mon fils ne peuvent pas me suivre partout. Mais je suis quelqu’un d’assez solitaire. J’aime marcher, réfléchir, m’analyser. Et aller dans les musées. Récemment, à Londres, j’ai été éblouie par la richesse des collections de la National Gallery, et tout particulièrement par un autoportrait de Vincent Van Gogh. J’apprécie beaucoup la peinture, que j’ai pratiquée quand j’étais plus jeune, ainsi que la lecture. Malheureusement, comme j’aborde sans arrêt de nouveaux rôles, je n’arrive pas à trouver la disponibilité pour m’investir tranquillement dans un livre. C’est assez pénible. En ce moment, par exemple, je travaille sur la partition de L’elisir d’amore, que je vais chanter à l’Opéra de Seattle en août, alors même que je répète Tosca, à l’Opéra national de Lorraine. J’ai donc l’esprit très pris, et il m’est difficile de me plonger dans l’univers d’un écrivain.

Franco Fagioli (Arsace) et Salome Jicia dans Semiramide à Nancy © Opéra national de Lorraine

De quel grand chanteur du passé auriez-vous aimé être l’élève ?

Le nom de Beniamino Gigli me vient spontanément. Je l’adore. C’était un ténor exceptionnel, à la voix chaleureuse, et une personne extrêmement simple. Il était, paraît-il, très modeste, jamais arrogant. Bien sûr, on peut trouver que son style a vieilli. Mais cela ne l’empêche pas, comme être humain et comme artiste, d’être mon premier choix. Nous avons actuellement de très bons chanteurs, mais quand j’écoute ces figures du passé, il se passe quelque chose de particulier.

Quel autre métier de l’opéra auriez-vous aimé exercer ?

Pianiste ! Avant de découvrir le chant, j’ai étudié le piano. Je jouais six à sept heures par jour, dans la plus grande concentration. J’ai finalement changé de métier, tout en restant dans la musique ! Mais peut-être me remettrai-je un jour à la peinture. Pour moi.

Propos recueillis par ALFRED CARON

À voir :

Tosca de Giacomo Puccini, avec Salome Jicia (Floria Tosca), Rame Lahaj (Mario Cavaradossi), Daniel Mirosław (Il barone Scarpia), Tomasz Kumiega (Cesare Angelotti), Daniele Terenzi (Il Sagrestano), Jean-Vincent Blot (Sciarrone), Marc Larcher (Spoletta), Yong Kim (Un carceriere), sous la direction d’Antonello Allemandi, et dans une mise en scène de Silvia Paoli, à l’Opéra national de Lorraine, du 22 juin au 2 juillet 2022.

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