Mon premier… Jakub Józef Orliński : mon premier Orfeo
Mon premier…

Jakub Józef Orliński : mon premier Orfeo

13/09/2022
© Honorata Karapuda / Warner Classics

Il a suffi d’une vidéo, filmée au Festival d’Aix-en-Provence en 2017, et vue depuis plus de 9 millions de fois sur YouTube, pour que Jakub Józef Orliński passe, par la grâce décontractée d’un air de Vivaldi chanté en bermuda, du statut de promesse à celui de star lyrique, auréolée d’un singulier talent de breakdancer. Le Théâtre des Champs-Élysées offre au contre-ténor polonais ses débuts parisiens dans un opéra mis en scène. Et son premier Orfeo de Gluck.

« J’avais envie d’incarner Orfeo, parce que j’aime ce mythe et son histoire. Je les connais bien pour avoir chanté, l’année dernière au Metropolitan Opera de New York, dans Eurydice de Matthew Aucoin, même si le livret était modernisé, et qu’il n’y avait pas de fin heureuse – ce qui n’est pas pour me déplaire ! Au même moment, j’ai assisté à une représentation de la comédie musicale Hadestown : deux approches d’autant plus inspirantes qu’elles étaient différentes. Avec Gluck, même si les personnages sont évidemment très importants, le chœur joue un rôle majeur : il commente l’action, et y est vraiment impliqué. 

Pour moi, Orfeo est un soldat qui pleure. Il est à la fois dans la plainte, et dans la force. Il montre ses points faibles, sa colère, sa frustration, que les récitatifs accompagnés traduisent de manière si belle et dramatique. Il lui arrive de s’effondrer, parce qu’il n’en peut plus : c’est tout un parcours émotionnel, et le plus difficile est de le faire durer, d’en calibrer les étapes tout au long de l’œuvre. 

Si je chante du baroque la plupart du temps, mon répertoire va de la musique ancienne à la variété. J’aborde cette partition de manière un peu différente, parce que Gluck a réalisé la transition vers une forme plus simple, et qui rend sa place au texte. Une forme pure, sans l’ornementation ou les cadences incroyables des airs de bravoure de l’opera seria : il n’y a ici que quelques ornements, mais ils ont vraiment une signification.

Jakub Józef Orliński (Orpheus’s double) dans Eurydice de Matthew Aucoin au Metropolitan Opera de New York © Marty Sohl / Met Opera

Reprendre une mise en scène est parfois difficile, parce qu’elle a été conçue pour quelqu’un d’autre. Je n’ai pas voulu visionner la production, afin d’arriver avec l’esprit ouvert, et de trouver mon propre parcours plutôt que de me dire : « D’accord, je me tiens sur la gauche, et sur tel mot je vais à droite. Mais pourquoi ? Je n’en sais rien ! » J’avais travaillé avec Robert Carsen sur Rinaldo de Haendel au Festival de Glyndebourne, et j’étais sûr que son Orfeo serait beau. Nous avons aussi un assistant formidable, Christophe Gayral, avec qui nous revoyons des détails. Ce spectacle est désormais adapté à mon physique et à mon approche émotionnelle du rôle. 

Je suis impatient et excité de jouer dans cette salle si particulière, et dans cette ville que j’aime. J’aurais voulu que ce soit une nouvelle production rien que pour pouvoir rester plus longtemps à Paris… Mais on ne peut pas tout avoir ! »

Propos recueillis par CLAIRE-MARIE CAUSSIN

À voir :

Orfeo ed Euridice de Christopher Willibald Gluck, avec le choeur et l’orchestre du Balthasar Neumann Ensemble, Jakub Józef Orliński (Orfeo) Regula Mühlemann (Euridice) et Elena Galitskaya (Amore), sous la direction de Thomas Hengelbrock, et dans une mise en scène de Robert Carsen, au Théâtre des Champs-Élysées, du 21 septembre au 1er octobre 2022.

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