Mon premier… Karine Deshayes : ma première Norma
Mon premier…

Karine Deshayes : ma première Norma

08/07/2022
© Aymeric Giraudel

Comme Cecilia Bartoli et Joyce DiDonato, Karine Deshayes se tient en équilibre, avec autant de finesse que d’abattage, sur la frontière parfois ténue entre mezzo et soprano. Au Festival d’Aix-en-Provence, elle se mesure, en concert, au rôle-titre de Norma de Bellini, après avoir incarné Adalgisa, à laquelle elle ne dit pas adieu pour autant.

« Depuis plusieurs années, ma voix évolue. Cela m’a donné la possibilité d’aborder des rôles dits de soprano, tels que Donna Elvira dans Don Giovanni, Armida, Semiramide et Elisabetta de Rossini, Alceste de Gluck, ou encore dernièrement Valentine dans Les Huguenots de Meyerbeer. J’ai donc pensé que le moment était venu d’aborder Norma. D’autres ont suivi ce chemin avant moi. Pensez à Shirley Verrett ou à Grace Bumbry, qui ont commencé par Adalgisa avant d’oser Norma – et même d’alterner les deux ! Ce que je ferai d’ailleurs, puisque je serai de nouveau Adalgisa, en avril prochain, pour mes débuts au Staatsoper de Hambourg.

Karine Deshayes (Adalgisa) et Maria Agresta (Norma) au Teatro Real de Madrid © Javier del Real / Teatro Real

J’ai beaucoup incarné les rôles travestis – Cherubino, Romeo, Siebel, Stephano et Nicklausse –, parallèlement à Dorabella, Rosina, Angelina et Charlotte. Et j’ai toujours veillé à préserver la clarté et l’agilité de mon instrument, ce qui m’a permis d’explorer les registres les plus divers. Il faut se souvenir que de nombreuses parties créées ou interprétées par Giuditta Pasta, Maria Malibran et Isabella Cobran, sont aujourd’hui considérés comme des emplois de mezzo-soprano. Ces chanteuses étaient dotées d’ambitus très étendus. Les tessitures d’Adalgisa et de Norma sont semblables. Seules la longueur et l’intensité dramatique du rôle-titre diffèrent. À l’époque de la création, Adalgisa était confiée à une voix de soprano plus légère qu’actuellement. Riccardo Minasi, qui me dirigera, respecte d’ailleurs cet équilibre en alliant mon timbre à celui de la soprano Amina Edris. C’est pour cela que j’ai accepté la proposition de Julien Benhamou, le conseiller artistique du Festival d’Aix-en-Provence.

Karine Deshayes dans le rôle-titre d’Elisabetta, regina d’Inghilterra au Rossini Opera Festival de Pesaro © Studio Amati Bacciardi

Je suis attirée par les personnages plus dramatiques, et celui de la prêtresse tombe à point nommé : j’aime son caractère, sa fragilité, ses doutes et ses éclats. Norma est une femme tiraillée entre son devoir et son amour pour Pollione. Une palette de sentiments et d’émotions qui magnifie sa grandeur d’âme.

En janvier prochain, je ferai mes débuts en Comtesse dans Le nozze di Figaro au Théâtre du Capitole de Toulouse. Je me réjouis aussi de retrouver le rôle-titre d’Elisabetta, regina d’Inghilterra de Rossini et Valentine à l’Opéra de Marseille. Sans oublier mon retour au répertoire baroque, avec ma première Médée, dans Thésée de Lully, sous la direction de Christophe Rousset. Une diversité des répertoires qui m’est indispensable. »

Propos recuillis par FRANÇOIS LESUEUR

À voir :

Norma de Vincenzo Bellini, avec le Choeur Pygmalion, l’Ensemble Resonanz, Karine Deshayes (Norma), Michael Spyres (Pollione), Amina Edris (Adalgisa), Krzysztof Bączyk (Oroveso) et Julien Henric (Flavio), sous la direction de Riccardo Minasi, au Festival d’Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence, le 18 juillet 2022.

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