Mon premier… Stéphanie d’Oustrac : ma première Maria Stuard...
Mon premier…

Stéphanie d’Oustrac : ma première Maria Stuarda

06/12/2022
© Jean-Baptiste Millot

Stéphanie d’Oustrac a la musique dans le sang et le théâtre pour seconde nature. Lorsque Mariame Clément, qui met en scène la trilogie des reines Tudor de Gaetano Donizetti au Grand Théâtre de Genève, lui a proposé d’incarner Giovanna Seymour dans Anna Bolena, la volcanique mezzo a accepté sans hésiter cette plongée en terra  quasi  incognita. Elle persiste et signe, en se mesurant au rôle-titre de Maria Stuarda.

« Avant d’aborder Giovanna Seymour dans Anna Bolena, et à présent le rôle-titre de Maria Stuarda, je n’avais jamais entendu ces ouvrages. Mais peu importe, car j’ai très souvent fait travailler ce répertoire à mes étudiants, ce qui m’a été est très utile. J’ai pris beaucoup de plaisir à analyser ses exigences, et notamment le besoin d’utiliser la voix comme un instrument, qui doit s’adapter au style et le respecter. Souvent, en écoutant mes élèves, je leur ai dit qu’ils pouvaient, sur tel passage, oublier le texte, pour mettre en valeur une couleur, chercher une certaine liberté. Le bel canto permet ces expérimentations, et suggère de donner, ici plus de souffle, là d’accentuer la ligne, ou ailleurs de renforcer l’usage du legato. Tous ces éléments agissent sur la technique, et nous indiquent comment porter ou soutenir la voix. Forte de ces expériences, je n’ai eu qu’à les essayer sur moi.


Stéphanie d’Oustrac (Giovanna Seymour) dans Maria Stuarda de Donizetti au Grand Théâtre de Genève © Monika Rittershaus

J’ai eu la chance, dans ma carrière, de chanter de nombreux rôles plus dramatiques que purement vocaux. Mais comme j’ai l’habitude de travailler en amont la technique pour ne pas être en difficulté, et pouvoir insérer mon envie de théâtre dans la musique, le fait d’aborder le bel canto n’a pas été un obstacle. Il s’agit juste d’une autre forme d’exercice. Stefano Montanari, qui dirigeait Anna Bolena l’année dernière – mais ne sera pas, pour des raisons familiales, au pupitre de ce deuxième volet de la trilogie – venait du répertoire baroque, et n’avait, donc, comme moi, aucun a priori. J’ai beaucoup apprécié que nous puissions essayer des choses ensemble, justement parce qu’il n’était pas le garant d’une certaine tradition.

La révision de Maria Stuarda que Donizetti a effectuée pour Maria Malibran permet de différencier vocalement les deux rivales, dont les typologies influent sur le caractère. C’est ce qui la rend particulièrement belle. En travaillant la partition avec ma cheffe de chant, nous sommes allées puiser dans la version originale, pour soprano, et avons finalement mélangé les deux : même si je dois monter jusqu’au contre-ut, les tessitures sont très similaires, et l’écriture correspond à celle d’un mezzo léger – rossinien pourrait-on dire. Le registre de Stuarda me correspond finalement mieux que celui de Seymour, qui est plus aigu. Je suis très heureuse que nous donnions, la saison prochaine, cette trilogie Tudor au complet. J’aurai, par chance, déjà chanté Sara (Roberto Devereux) à l’Opernhaus de Zurich, ce qui va me faciliter la tâche, car enchaîner les trois opéras dans la même semaine constitue un grand défi. 


Stéphanie d’Oustrac (Giovanna Seymour) et Elsa Dreisig (Anna Bolena) au Grand Théâtre de Genève © Monika Rittershaus

Elsa Dreisig, qui incarnait le rôle-titre d’Anna Bolena, et moi sommes très impatientes d’être à nouveau réunies. Elisabetta va lui permettre de jouer les méchantes, et nous avons échangé beaucoup d’idées. À la différence de Seymour, qui se faisait maltraiter, Stuarda est une reine face à une autre reine – ce qui ne l’empêchera pas de finir mal, elle aussi… Nous savons que ce second volet de la trilogie Tudor compte quelques scènes savoureuses, dans lesquelles nous allons pouvoir nous exprimer. En général, je sais insuffler de l’énergie sur le plateau, et j’aime avoir en face de moi quelqu’un qui, comme Elsa, est en mesure de réagir à mes sollicitations.

Me proposera-t-on d’autres rôles belcantistes ? L’avenir le dira. Je sais que je privilégie désormais le plaisir, et m’interroge, depuis la pandémie, sur mon rapport à ce métier, que je pratique depuis vingt-cinq ans. J’adore l’opéra, tout comme j’aime profondément enseigner – activité à laquelle je vais consacrer plus de temps. Mais j’ai aussi envie de créer des spectacles avec des amis, de trouver d’autres formules, et suis heureuse de pouvoir avoir plus d’exigence. Je n’ai pas envie d’enchaîner les productions, pour éviter que la routine ne s’installe. Continuer en conjuguant plaisir et envie est un luxe auquel j’aspire. »

Propos recueillis par FRANÇOIS LESUEUR

À voir :

Maria Stuarda de Gaetano Donizetti, avec Stéphanie d’Oustrac (Maria Stuarda), Elsa Dreisig (Elisabetta), Edgardo Rocha (Roberto, conte di Leicester), Nicola Ulivieri (Giorgio Talbot), Simone Del Savio (Lord Guglielmo Cecil) et Ena Pongrac (Anna Kennedy), sous la direction de Andrea Sanguineti, et dans une mise en scène de Mariame Clément, au Grand Théâtre de Genève, du 17 au 29 décembre 2022.

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