Opéras Barbier de qualité à Paris
Opéras

Barbier de qualité à Paris

09/06/2022

Opéra Bastille, 2 juin

Créée à Genève, en 2010, la production déjantée d’Il barbiere di Siviglia par Damiano Michieletto est devenue un classique de l’Opéra National de Paris, depuis son entrée à l’Opéra Bastille, en septembre 2014 (voir O. M. n° 100 p. 51 de novembre). La qualité première de cette nouvelle reprise – la quatrième, après février 2016, janvier 2018 et février 2020 – est d’offrir un plateau homogène, où chacun habite son personnage avec conviction, interagit avec ses partenaires avec gourmandise, tout en évoluant sur l’immense plateau avec une aisance confondante.

L’Américain René Barbera a beaucoup gagné en rondeur de timbre depuis 2014, ténor légérissime, à l’aigu un peu étroit mais très facile, qui lui permet de triompher dans « Cessa di più resistere » (coupé il y a huit ans), en dépit de quelques vocalises moins nettes. Et quelle verve dans son incarnation d’Almaviva, sous ses différents déguisements !

Andrzej Filonczyk n’est pas en reste en Figaro, avec un instrument mordant, mais jamais tonitruant, et un abattage évitant tout histrionisme. Si le baryton polonais montre une réjouissante volubilité, sa capacité à vocaliser semble, en revanche, plus limitée, en particulier dans le duo « Dunque io son », où il simplifie maints traits.

Le Bartolo de Renato Girolami fait forte impression, tant par sa voix de bronze que par sa capacité à la moduler à l’infini, susurrant ou tonnant à l’envi, adoptant un train d’enfer et osant soudain quelques échappées en falsetto, pour contrefaire les minauderies de sa pupille. Surtout, le baryton-basse italien fait exister son personnage de barbon amoureux dans toute sa complexité, saisissant la moindre occasion de faire crouler de rire la salle.

Alex Esposito paraît, en comparaison, plus convenu en Basilio, malgré son grand savoir-faire. Dommage, quand même, qu’une mauvaise tradition le pousse si souvent à recourir au parlando dans « La calunnia ».

En débuts à Paris, la jeune Russe Aigul Akhmetshina fait sensation en Rosina par son mezzo puissant, riche et facile, avec des coloratures déliées et des variations inventives, brossant le portrait d’une ado gothique aussi rouée qu’attachante.

Comprimari de qualité, enfin, avec le Fiorello de luxe d’Armando Noguera, qui ose, dès sa scène d’entrée, un sotto voce parfaitement timbré et projeté, et l’accorte Berta de Katherine Broderick, qui était encore l’Ariadne straussienne, en avril dernier, à Montpellier.

Roberto Abbado est le maître d’œuvre diligent et attentif de la soirée, avec un sens du détail et une élégance remarquables. Manque seulement un grain de folie, pour enflammer complètement cette autre « folle journée ».

THIERRY GUYENNE


© OPÉRA NATIONAL DE PARIS/ELISA HABERER

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