Filmée à Dresde, en 2021, cette nouvelle version du dernier opéra de Richard Strauss se hisse au premier rang de la vidéographie.

Un mur semi-cylindrique devant lequel se ­réunissent trois hommes âgés, à côté d’une fenêtre par laquelle on aperçoit une vieille femme, regardant sur un petit écran la Comtesse dans une production d’autrefois : on comprend qu’il s’agit des protagonistes de Capriccio, dans une vision rétrospective. À l’ouverture du cylindre, La Roche, Flamand et Olivier, rejoints par la Comtesse, prennent place dans un sobre et très élégant salon des années 1930 : le présent s’est ainsi replongé dans le passé. Au final, dans une invention tout aussi inspirée, la nostalgique spectatrice d’aujourd’hui rejoindra la solitude de la Comtesse qui, après un long face-à-face, lui remettra la partition, avant de s’éloigner vers le fond.

Le concept imaginé par Jens-Daniel Herzog, sans prétention, ni effet spectaculaire, est fort et pertinent, pour porter la charge d’émotion de l’œuvre. Dans cette production du Semperoper de Dresde, filmée en 2021, sans public pour cause de confinement, il est servi par une équipe de premier plan, avec le décor de Mathis Neidhardt et les costumes tout aussi stylés de Sibylle Gädeke. La tenue militaire de Flamand connote, plus discrètement qu’on ne l’a souvent vu, la période de création de Capriccio (1942), tandis que tout ce qui concerne la fabrique de l’opéra à venir, comme le divertissement donné aux invités (inventive chorégraphie de Michael Schmieder et Ramses Sigl), se pare des plus raffinés atours du XVIIIe siècle, dans les éclairages discrètement mélancoliques de Fabio Antoci.

Sous une direction d’acteurs de premier ordre, le plateau est largement superlatif. Le La Roche de Georg Zeppenfeld, d’abord, aux somptueux graves attendus, mais aussi directeur de théâtre d’une grandiose noblesse, changeant heureusement de la tendance au bouffe trop souvent vue. Le Flamand de Daniel Behle n’est pas moins enthousiasmant, pour les qualités qu’on lui connaît dans le lied : la beauté du timbre, la palette des nuances, l’ardente expressivité. Et même si, du coup, le très correct Olivier de Nikolay Borchev paraît moins exceptionnel.

Avec son timbre de mezzo wagnérien et ses dons d’actrice, Christa Mayer campe une Clairon d’un âge plausible, tandis que Wolfgang Ablinger-Sperrhacke donne à Monsieur Taupe toute la vigueur qu’on pouvait espérer dans ses échanges avec l’excellent Majordome de Torben Jürgens, comme le sont tous les comprimari.

À côté du très racé Comte de Christoph Pohl, aristocrate aussi distingué que mordant, reste Camilla Nylund, qui en est aujourd’hui aux emplois wagnériens les plus lourds, et qu’on peut juger d’un format, vocal et scénique, trop ample pour la « jeune veuve » qu’est, en principe, la Comtesse. Mais, après des aigus d’entrée un peu forcés, le talent de l’actrice impose le personnage, juste et émouvant.

Avec la Staatskapelle de Dresde et Christian Thielemann, chef straussien par excellence, le tout dans le filmage toujours intelligent de Tiziano Mancini, notre bonheur est complet.

Une magistrale réussite, qui rejoint au premier rang de la vidéographie, bien au-dessus des autres DVD disponibles, le Capriccio tout différent mis en scène par Robert Carsen, au Palais Garnier, en 2004 (TDK).

François Lehel

1 Blu-ray Arthaus Musik 109459

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