Opéras Chrysothemis surclasse Elektra à Paris
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Chrysothemis surclasse Elektra à Paris

01/06/2022

Opéra Bastille, 19 mai

Créée en 2008, au Teatro del Maggio Musicale Fiorentino, en coproduction avec le Tokyo Opera Nomori, la mise en scène de Robert Carsen ne nous avait pas passionné, ni même ému, lors de son entrée au répertoire de l’Opéra National de Paris, en octobre 2013 (voir O. M. n° 90 p. 59 de décembre).

Le dispositif reste certes impressionnant (des parois noires s’élevant jusqu’aux cintres, un sol recouvert de terre, un trou au milieu du plateau), les lumières sont sublimes, mais la direction d’acteurs qu’appellerait ce parti d’austérité n’est toujours pas au rendez-vous. Quelle que soit la beauté de certaines images, on n’est jamais happé par le drame qui se joue sous nos yeux.

Alléchante sur le papier, la nouvelle distribution ne tient qu’en partie ses promesses. Défavorisée par un décor ne renvoyant pas les voix, Christine Goerke assure à peu près les aigus et les graves d’Elektra. Entre les deux extrémités du registre, en revanche, le flou le plus complet règne : zones sourdes, vibrato envahissant, intonation incertaine.

Remplaçant Waltraud Meier, initialement annoncée, Angela Denoke n’est pas davantage que son aînée le mezzo-contralto exigé par Klytämnestra. Soprano elle était à ses débuts, il y a trente ans, soprano elle reste, avec des graves artificiellement creusés et encore plus de fausses notes qu’autrefois. L’actrice est superbe, mais cela ne suffit pas.

Tomas Tomasson, qu’on a connu ailleurs plus inspiré, remplit à peine correctement son office en Orest. Les Servantes sont inégales, comme les autres rôles secondaires, laissant la vedette à l’Aegisth percutant de Gerhard Siegel et, surtout, à la Chrysothemis d’Elza van den Heever.

La soprano franco-sud-africaine est décidément à son affaire dans ce type d’héroïne straussienne (voir son éblouissante Impératrice dans Die Frau ohne Schatten), augurant le meilleur pour sa première Salome, également à l’Opéra Bastille, en octobre prochain. Le timbre, lumineux et sensuel, est soutenu par une émission homogène, et l’aigu se déploie avec une puissance et un rayonnement irrésistibles. La présence scénique est tout aussi convaincante, avec cette capacité à illuminer la scène qui fait les grandes Chrysothemis.

D’une somptueuse maîtrise, la direction de Semyon Bychkov, à la tête d’un impeccable Orchestre de l’Opéra National de Paris, nous laisse un peu sur notre faim, comme d’ailleurs celle de Philippe Jordan, il y a neuf ans. Effet de contamination d’une mise en scène refusant la monstruosité et la violence inhérentes à l’ouvrage ? Souci de ménager des titulaires féminines en difficulté (en 2013, les trois étaient carrément à la peine) ? Toujours est-il que les ouragans attendus ne sont pas au rendez-vous aussi souvent qu’espéré.

RICHARD MARTET


© Opéra National de Paris/Émilie Brouchon

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