Salle Gaveau, 22 mars

Le premier – l’Américain Lawrence Brownlee – aborde la cinquantaine dans tout l’éclat de sa maturité artistique, tandis que le second – le Sud-Africain Levy Sekgapane – débute, à l’aube de la trentaine, une carrière placée sous les meilleurs auspices. Les organisateurs de « L’Instant Lyrique » ont réuni ces deux ténors pour un concert électrisant, qui accorde, néanmoins, beaucoup plus de place à la démonstration vocale exacerbée qu’à la musique elle-même.

Le temps passé à répéter avec le toujours valeureux pianiste Antoine Palloc, qui a tenté de faire des miracles et de maintenir un juste équilibre, s’est avéré, hélas, trop court pour parvenir à l’équité souhaitée, sinon indispensable. C’est fort dommage, car la complicité qui unit les artistes apparaît évidente.

Levy Sekgapane ouvre le récital avec deux mélodies de Rossini, qui permettent surtout d’apprécier la fraîcheur de cette voix de tenore contraltino, à l’émission très haute. Le médium, en effet, demande encore à s’affirmer, tandis que la caractérisation reste un peu extérieure. Il tramonto de Verdi, interprété ensuite, ne parvient pas à convaincre, car trop éloigné de son univers actuel plus belcantiste.

Lawrence Brownlee montre des qualités légitimement plus abouties dans deux mélodies de Donizetti, puis dans La ricordanza de Bellini. Son timbre chaleureux, l’aisance constante dont il fait preuve, ravissent l’oreille.

La deuxième partie, également italienne, réunit des airs et duos d’opéras, parmi les plus exigeants sur le plan technique. Lawrence Brownlee déploie des trésors de musicalité ; la vocalise est déliée, et le caractère du personnage, intimement incarné, dans le redoutable « Nel furor delle tempeste » (Il pirata de Bellini).

Levy Sekgapane aborde l’air « Di mia patria » (Marino Faliero de Donizetti), avec une fougue sans limite et toute l’impudence de la jeunesse. Il brille de mille feux et semble s’enivrer à l’écoute de sa propre voix, avant d’entraîner son partenaire dans son sillage. Le duetto « Donala a questo core » (Ricciardo e Zoraide de Rossini) les amène à cultiver les aigus les plus extrêmes, fulgurants comme des fusées chez Levy Sekgapane, corsés et puissants chez Lawrence Brownlee.

Le paroxysme est atteint dans le duo « Ah ! vieni, nel tuo sangue » (Otello de Rossini), où les deux acolytes se hissent au même niveau d’excellence, tenant les notes extrêmes de très longs instants – de façon spectaculaire, il faut bien le reconnaître, notamment sur l’appel « All’armi ! », plusieurs fois répété.

Avec les bis, hors la reprise de ce duo, montrant certains signes de fatigue, les deux ténors peuvent révéler d’autres aspects de leur talent. Levy Sekgapane aborde Bring Him Home (Les Misérables de Claude-Michel Schönberg), avec une sensibilité à fleur de peau et, surtout, une ligne de chant idéalement maîtrisée. Lawrence Brownlee, pour sa part, convie l’auditeur à s’immerger dans le magnifique All Night, All Day (un Spiritual d’Otis L. McCoy), auquel il insuffle une humanité profonde, utilisant la voix mixte avec une dextérité confondante.

Le public de la Salle Gaveau ovationne longuement debout les artistes de cette soirée.

JOSÉ PONS


© OLIVIA KAHLER

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