1 DVD Opus Arte OA 1334 D & 1 Blu-ray OABD 7288 D

Sa lecture de Fidelio, présentée au Covent Garden de Londres, en mars 2020, à la veille du premier confinement généralisé, c’est Tobias Kratzer qui la résume le mieux, dans l’introduction du synopsis reproduit dans la plaquette du présent DVD : « L’acte I est un mélodrame historique sur la liberté et l’amour dans l’époque ­postrévolutionnaire. L’acte II est un essai politique sur la responsabilité de l’individu face à une majorité silencieuse, un plaidoyer musical pour une empathie engagée. »

Comme peu d’autres, en cette ère de notes d’intention verbeuses, hermétiques et/ou capillotractées, le metteur en scène allemand montre ce qu’il dit, sait ce qu’il fait, et surtout le fait bien. La pertinence du propos, bien plus prégnant aujourd’hui, parce qu’il fait, en quelque sorte, écho à nos réactions individuelles et collectives vis-à-vis de la guerre en Ukraine, se double, en effet, d’une attention aux détails censément réalistes – dans la première partie, notamment – et d’une acuité théâtrale que la caméra de Rhodri Huw souligne à bon escient.

L’impression d’ensemble, dès lors, s’avère bien plus positive que depuis la salle. D’autant que la défection de Jonas Kaufmann, l’après-midi même de la représentation à laquelle nous avions assisté – c’est la suivante, et dernière pour cause de Covid, qui a été filmée, le 13 mars –, avait quelque peu déstabilisé l’équilibre de l’interprétation musicale (voir O. M. n° 161 p. 30 de mai 2020).

Sous la direction classique, vigoureuse, sans pesanteur, ni surcroît de noirceur métaphysique, d’Antonio Pappano, l’orchestre du Royal Opera retrouve ici sa superbe. Et la distribution confirme, plutôt flattée par les micros, qu’elle est l’une des meilleures que l’on puisse réunir aujourd’hui.

Egils Silins n’est certes guère marquant en Don Fernando, et Simon Neal, dont le Don Pizarro vire à la caricature d’engorgement, est même plutôt pénible. Mais Georg Zeppenfeld est assez insurpassable dans le registre de Rocco, d’ailleurs bien plus châtié qu’à l’ordinaire. Et Amanda Forsythe donne, élevée au rang d’héroïne par Tobias Kratzer, un relief insoupçonné à Marzelline.

De son côté, David Butt Philip a, bel et bien, l’étoffe d’un Heldentenor au seuil de la maturité, timbre sombre, un rien monochrome, sans doute, et parfaitement armé pour affronter l’écriture escarpée de Florestan.

Déjà documentée par un enregistrement de studio, réalisé huit mois après cette captation, sous la baguette de Marek Janowski, pour Pentatone (voir O. M. n° 177 p. 75 de ­novembre 2021), la Leonore de Lise Davidsen s’inscrit dans la lignée des grandes hochdramatischen Sopranen du siècle dernier : voix d’airain à l’aigu dardé avec la précision du laser, et néanmoins capable de se plier aux nuances les plus frémissantes.

Incarnation forcément plus grande que nature d’une artiste, ici et là, presque à l’étroit. Parce que Brünnhilde et Elektra se profilent derrière les Sieglinde et Chrysothemis, avec lesquelles la jeune Norvégienne, sinon ronge son frein, du moins patiente encore – raisonnablement ? Mais aussi parce que l’installation audiovisuelle, même la plus performante, ne peut restituer l’impact, mieux, le grand frisson prodigué par un tel format vocal, qui requiert l’espace et l’acoustique d’un théâtre pour s’épanouir pleinement.

MEHDI MAHDAVI

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