Mathias Vidal (Cinq-Mars) – Tassis Christoyannis (De Thou) – Andrew Foster-Williams (Le Père Joseph) – André Heyboer (Fontrailles) – Jacques-Greg Belobo (Le Roi, Le Chancelier) – Véronique Gens (Marie de Gonzague) – Norma Nahoun (Marion Delorme) – Marie Lenormand (Ninon, Le Berger)

Chor des Bayerischen Rundfunks, Münchner Rundfunkorchester, dir. Ulf Schirmer

2 CD Ediciones Singulares/Palazzetto Bru Zane ES 1024

Les derniers opéras de Gounod ont été systématiquement négligés. Ils sont venus trop tard dans leur siècle, en un temps où les exigences du public et du milieu musical se modifiaient. Et, il faut bien l’avouer, ils n’offrent pas tout à fait les mêmes réussites que Faust, Mireille ou Roméo et Juliette. On aurait tort cependant de minimiser les beautés de Cinq-Mars (Opéra-Comique, 1877), dont l’amateur de répertoire français du XIXe siècle ne connaissait réellement, jusqu’à l’arrivée de cette intégrale en première mondiale, qu’un air, le sublime « Nuit resplendissante ».

Le principal défaut de l’ouvrage est de nature dramatique davantage que musicale. La sanglante tragédie éponyme d’Alfred de Vigny (1826) possédait un fort caractère politique et moral (lutte de pouvoir entre la monarchie absolue et son aristocratie, amère réflexion sur le sens de l’action héroïque), dont le livret de Paul Poirson et Louis Gallet ne retient pas grand-chose. Et, comme l’on ne se refait pas à 59 ans, Gounod s’intéresse prioritairement aux amours du héros et de Marie de Gonzague, qui lui inspirent de belles pages élégiaques. En revanche, quand le sujet exige de la grandeur, on verse dans une emphase assez bruyante.

Tout le mérite de cet enregistrement, réalisé sur le vif, à Munich, le 25 janvier 2015, dans le cadre d’une tournée de concerts faisant également étape, quatre jours plus tard, à Versailles (voir O. M. n° 104 p. 73 de mars), est de transformer ce titre un peu mineur dans la carrière de Gounod en chef-d’œuvre. À l’Opéra Royal, nous avions entendu Charles Castronovo en Cinq-Mars. Souffrant, le chanteur américain avait dû laisser la place à Mathias Vidal au Prinzregententheater, pour un remplacement dont nous ne pouvons que souligner l’exceptionnelle qualité. Mathias Vidal, en effet, est l’idéal ténor d’« opéra-comique » français, au timbre délicieux, à la voix bien projetée, à la diction parfaite et à la caractérisation sans emphase.

On retrouve ces qualités chez Véronique Gens, une fois encore d’une classe incomparable. Il est très intéressant d’écouter avec attention son « Nuit resplendissante », chanté avec simplicité, en laissant s’épanouir naturellement l’irrésistible cantilène. Le style, à la fois brillant et léger, et le format vocal de Tassis Christoyannis, grand habitué des productions du Palazzetto, s’accordent parfaitement avec ceux de Mathias Vidal.

Andrew Foster-Williams incarne un Père Joseph inquiétant et puissant, dont la seule autorité vocale semble vouer ses adversaires à la mort. Excellentes, encore, la mezzo Marie Lenormand en Ninon et, surtout, la soprano Norma Nahoun dans le personnage secondaire de Marion Delorme, qui semble n’être là que pour permettre quelques scènes de genre Louis XIII. Le baryton André Heyboer, enfin, met une saine vigueur à incarner le conspirateur Fontrailles.

Ulf Schirmer a parfaitement intégré – et transmis à l’orchestre et aux chœurs de la Radio bavaroise (Bayerischer Rundfunk) – les exigences stylistiques de Gounod, notamment le caractère joliment moiré de l’orchestration. Les divertissements chorégraphiques de l’acte II, en particulier, sont très soignés.

Parachevant la réussite, la conception du livre-disque est comme toujours admirable, sur le plan du contenu comme de la présentation visuelle.

JACQUES BONNAURE

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