Comptes rendus La donna del lago à Pesaro
Comptes rendus

La donna del lago à Pesaro

28/09/2016

Adriatic Arena, 14 août

PHOTO : Juan Diego Florez et Salome Jicia.
© STUDIO AMATI BACCIARDI

Juan Diego Florez (Giacomo V/Uberto)
Marko Mimica (Douglas d’Angus)
Michael Spyres (Rodrigo di Dhu)
Salome Jicia/Giusi Merli (Elena)
Varduhi Abrahamyan/ Alessandro Baldinotti (Malcolm Groeme)
Ruth Iniesta (Albina)
Francisco Brito (Serano, Bertram)

Michele Mariotti (dm)
Damiano Michieletto (ms)
Paolo Fantin (d)
Klaus Bruns (c)
Alessandro Carletti (l)

La donna del lago n’avait pas paru à Pesaro depuis la production de Luca Ronconi (2001), dont la mise en scène assez classique s’en tenait à une vision littérale et anecdotique du livret. Celle de Damiano Michieletto, en collaboration avec l’Opéra Royal de Wallonie, évite habilement la linéarité et le caractère simplement illustratif, en imaginant le récit comme un retour en arrière.

Dans le décor fantomatique d’une demeure aristocratique délabrée, envahie au deuxième acte par les herbes folles du site lacustre, Elena, désormais âgée, vit dans le culte de Giacomo V, ce roi dont elle a refusé l’amour, lorsqu’il s’est présenté à elle sous les traits d’Uberto. Elle revoit au gré de ses souvenirs leur première rencontre, tentant de changer le cours de l’histoire, se berçant de rêves et d’illusions, sous le regard douloureux de son époux, le vieux Malcolm, dont les ans n’ont pas effacé la jalousie.

Cette intrigue parallèle ménage d’étonnants croisements entre passé et présent, entre les deux chanteuses et les comédiens vieillis qui les doublent. Elle s’achève sur la vision de la jeune Elena qui, en endossant l’uniforme de la dame âgée qu’elle vient de précipiter dans le lac, assume enfin son destin. La démarche confère une profondeur inattendue à l’histoire et lui apporte cette teinte romantique qui semble suggérer, notamment dans le finale du premier acte, qu’Elena est, en quelque sorte, une sœur de Lucia.

La Géorgienne Salome Jicia se révèle une remarquable technicienne. Dotée d’une véritable voix de soprano dramatique, elle se joue des difficultés du rôle d’Elena, mais manque un peu de poésie. Surtout, son personnage – en partie phagocyté par l’extraordinaire présence de son double âgé (l’actrice Giusi Merli), cette « Nonna del lago », comme l’a baptisée La Repubblica dans une critique mitigée – peine à exister.

Juan Diego Florez, à qui l’on reprochera seulement quelques suraigus facultatifs et inutiles, est un Giacomo/Uberto vraiment royal. Michael Spyres offre un phénoménal Rodrigo, dont l’ostentation à faire valoir le volume de son registre grave dessert néanmoins la musicalité. Quant à Varduhi Abrahamyan, elle évoque le souvenir de Daniela Barcellona par la couleur du timbre, sans en avoir tout à fait les graves, ce qui limite l’impact de son Malcolm – doublé, dans sa version âgée, par l’acteur Alessandro Baldinotti.

Dans le rôle épisodique de Douglas, Marko Mimica déçoit par rapport à sa performance dans La gazza ladra, l’été dernier, avec une voix lourde, qui manque de netteté et de souplesse dans l’émission.

La réussite de ce spectacle de grande classe doit beaucoup à la direction équilibrée, attentive à la beauté de l’orchestration autant qu’à ses aspects dramatiques, d’un Michele Mariotti qui, à la tête des forces du Teatro Comunale de Bologne, se qualifie définitivement comme l’un des meilleurs chefs rossiniens du moment.

ALFRED CARON

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