Rossini

La donna del lago

Juan Diego Florez (Giacomo V/Uberto) – Oren Gradus (Douglas d’Angus) – John Osborn (Rodrigo di Dhu) – Joyce DiDonato (Elena) – Daniela Barcellona (Malcolm Groeme) – Olga Makarina (Albina) The Metropolitan Opera Orchestra and Chorus, dir. Michele Mariotti. Mise en scène : Paul Curran. Réalisation : Gary Halvorson (16:9 ; stéréo : PCM 2.0 ; Dolby Digital 5.1)

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Un nécessaire retour en arrière, tout d’abord, pour évoquer la production de la Scala, en 1992, seule disponible jusque-là en DVD (Opus Arte), réunissant ce qu’il y avait alors de mieux dans le domaine de l’interprétation rossinienne.

Sous le contrôle rigoureux de Riccardo Muti, replaçant idéalement La donna del lago entre les derniers feux du XVIIIe siècle et les premiers frémissements romantiques, June Anderson, Martine Dupuy, Rockwell Blake, Chris Merritt et Giorgio Surian formaient une distribution quasi idéale, par-delà de menues réserves.

La mise en scène était due au cinéaste allemand Werner Herzog, dans un décor de sombres ravins et de grottes, qu’égayaient à peine les couleurs sourdes des costumes. En revoyant aujourd’hui ce DVD, comment ne pas être frappé à la fois par l’éclat des voix et par les images bien statiques qui les accompagnent ?

Avec la production de Paul Curran, filmée au Met, le 14 mars 2015, l’atmosphère change du tout au tout. Le grand air, le ciel et les bruyères des Highlands apportent à l’intrigue une respiration nouvelle. Certes, tout n’est pas parfait dans cette approche qui, du typique (les kilts portés avec plus ou moins de bonheur par les protagonistes), bascule parfois dans le ridicule (les druides faux hippies de la fin du premier acte). Mais il y a de la vie, de l’action, et la variété des cadrages, ainsi que la multiplicité des mouvements de caméra, corrigent l’impression négative que le spectacle pouvait laisser dans la salle (voir O. M. n° 105 p. 41 d’avril 2015).

Cette vie se retrouve à l’orchestre, très intelligemment dirigé par Michele Mariotti, avec un carcan nettement moins sévère que celui imposé par Riccardo Muti. En vingt-trois ans, les voix ont également changé, et c’est une nouvelle génération de spécialistes rossiniens que l’on retrouve à New York. Rayonnant et se jouant de toutes les difficultés du rôle, Juan Diego Florez impose un Giacomo souverain, fier d’allure dans son costume de cuir sombre et tellement satisfait de ses justes succès qu’on lui en voudrait presque, ici ou là, de quelques excès de narcissisme. Avec une énergie encore plus manifeste et une technique tout aussi époustouflante, John Osborn est l’autre très grand ténor de la soirée.

Au rôle travesti de Malcolm, Daniela Barcellona apporte une rare crédibilité physique, ainsi qu’une belle assurance dans le registre grave et la vocalisation martiale. Elle est loin, pourtant, de faire oublier la virtuosité sans faille et la noblesse de ton de Martine Dupuy. Quant à la basse Oren Gradus, c’est le seul élément très quelconque au sein de cette équipe de prestige, qui trouve en Joyce DiDonato sa reine absolue.

Mieux que June Anderson, à qui l’on pouvait reprocher une certaine froideur, ainsi qu’une assise nettement insuffisante dans le grave, la mezzo-soprano américaine évolue ici dans un domaine convenant idéalement à sa voix. Affrontant sans difficulté apparente les plus redoutables écueils, son Elena vive, sensuelle et ardente, n’est pas très éloignée de la Fiona qu’interprétait Cyd Charisse dans Brigadoon, film magique de Vincente Minnelli.

Sans sous-estimer les très grands mérites de la production de la Scala, celle du Met, globalement, nous semble supérieure.

PIERRE CADARS

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