On imagine mal l’immense succès que connut l’unique ouvrage lyrique de Jean-Jacques Rousseau (livret et musique), après sa création à Fontainebleau, en 1752. Repris à l’Opéra de Paris dès 1753, il y fut joué 540 fois jusqu’en 1829 !

On trouve, dans Le Devin du village, beaucoup des ingrédients appelés à faire le succès du genre « opéra-comique » dans les décennies suivantes, à commencer par ces amours paysannes à peine troublées par quelque contrariété et vite consolées dans la joie d’une communauté agreste idéalisée. Grétry, par exemple, y puisera, mais avec davantage de consistance musicale, Rousseau s’affirmant résolument meilleur philosophe que compositeur.

Les 1er et 2 juillet 2017, Château de Versailles Spectacles en proposait une nouvelle production dans le cadre unique et fascinant du Théâtre de la Reine, salle intimiste construite par Richard Mique à deux pas du Petit Trianon, à la demande de Marie-Antoinette, pour y donner elle-même la comédie – la souveraine eut d’ailleurs l’occasion de s’y produire dans Le Devin du village, en 1780.

Les décors reconstituent fidèlement des toiles peintes d’époque fort agréables à l’œil, tout en permettant de superbes changements à vue. Du coup, le téléspectateur a véritablement la sensation de remonter le temps, pour découvrir un spectacle vraisemblablement identique à celui proposé au XVIIIe siècle.

La mise en scène de Caroline Mutel est plaisante dans sa naïveté, les danseurs de la compagnie Les Corps Éloquents procurent des instants de charme (chorégraphie d’Hubert Hazebroucq), et la prise de vue d’Olivier Simonnet accentue le dynamisme de l’ensemble.

Les parties vocales ne sont pas très complexes, mais exigent, tout de même, beaucoup d’art. Art de créer une impression de simplicité extrême et de naturel, art de dire aussi. La longue fréquentation du répertoire baroque français par Cyrille Dubois, Caroline Mutel et Frédéric Caton sert incontestablement leurs interprétations, justes et d’un goût parfait. Quant à Sébastien d’Hérin, il invente, avec son orchestre Les Nouveaux Caractères (12 musiciens), qu’il dirige du clavecin, des sonorités dynamiques et goûteuses.

Le meilleur Devin du village en CD, très certainement. Mais c’est le DVD (malheureusement non plagé) qu’il faut regarder en priorité.

JACQUES BONNAURE

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