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Mozart : Die Entführung aus dem Serail

24/06/2016

Christoph Quest (Bassa Selim)
Jane Archibald (Konstanze)
Rachele Gilmore (Blonde)
Norman Reinhardt (Belmonte)
David Portillo (Pedrillo)
Mischa Schelomianksi (Osmin)

Ensemble Aedes, Le Cercle de l’Harmonie, dir. Jérémie Rhorer

2 CD Alpha 242

Die Entführung aus dem Serail connaît une période faste. Après Yannick Nézet-Séguin (Deutsche Grammophon) et René Jacobs (Harmonia Mundi), voici le tour de Jérémie Rhorer, dont le premier enregistrement d’un opéra de Mozart, capté en concert, le 21 septembre 2015, inaugure un partenariat entre le label Alpha et le Théâtre des Champs-Élysées.

De la même génération que Nézet-Séguin, « historiquement informé » à l’instar de Jacobs, le chef français fait-il la synthèse entre le bouillonnant Canadien et le docte Belge ? Il emprunte plutôt une troisième voie, qui l’a rendu d’emblée indispensable dans ce répertoire.

En juillet 2015, au Festival d’Aix-en-Provence, il devait composer non seulement avec la mise en scène de Martin Kusej, finalement plus insipide que scandaleuse, mais également avec un orchestre – le Freiburger Barockorchester – qui, pour être l’un des meilleurs de sa catégorie, n’était pas le sien (voir O. M. n° 109 p. 35 de septembre).

Au TCE, une prise de son moins aérée aurait certes davantage flatté les cordes du Cercle de l’Harmonie, parfois lointaines et insuffisamment définies. Mais, seul maître à bord, Jérémie Rhorer fait primer l’élan et la continuité qu’une agogique éminemment souple, et d’abord naturelle, imprime au « Singspiel » – dont les dialogues, réduits à l’essentiel, version de concert oblige, relèguent Selim au rang d’utilité.

Die Entführung aus dem Serail anticipe ainsi les « drammi giocosi » à venir, grâce à un équilibre assez miraculeux, car absolument organique, entre la comédie et le théâtre de l’âme, avec cette douce mélancolie qui s’empare des cœurs – y compris celui d’Osmin –, ce « léger nuage qui passe dans un ciel de félicité », ainsi que l’écrit lui-même le chef.

Au sein d’une distribution quasiment identique à celle des représentations aixoises, c’est Jane Archibald qui fait, une nouvelle fois, entendre ces ombres avec la sensibilité la plus touchante. Sans doute Konstanze a-t-elle connu timbres plus personnels, mais la fluidité de la vocalise, la lumière et la ductilité du suraigu, une expression sobre et sincère, enfin, s’avèrent inestimables.

Il est, en revanche, d’autant plus difficile pour Norman Reinhardt de lutter contre le souvenir laissé par Daniel Behle. Son recours systématique au fausset dans la nuance piano émascule la tendresse de son Belmonte, au métal par ailleurs non dépourvu de de vaillance.

À force d’y subir des ténors de caractère seulement bons à éructer la concupiscence de Monostatos, on avait presque oublié à quel point Pedrillo peut avoir du charme : David Portillo fait mieux que nous en convaincre. Et ravit la palme de l’espièglerie à Rachele Gilmore, Blonde que rien ne distingue du commun des soubrettes.

Quant à Mischa Schelomianski, s’il s’abstient de jouer les barriques vrombissantes et fulminantes qui condamnent Osmin à la caricature, sa basse mordante, renfrognée quand il faut, mais jamais à court de profondeur, confère à la ligne relief et rebond. À l’image, en somme, de la baguette de Jérémie Rhorer.

MEHDI MAHDAVI

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