Opéras Ovation pour La traviata à Saint-Étienne
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Ovation pour La traviata à Saint-Étienne

28/06/2022

Grand Théâtre Massenet, 16 juin

La coproduction de La traviata par l’Opéra de Monte-Carlo et l’Opéra de Saint-Étienne (voir O. M. n° 82 p. 55 de mars 2013 & n° 84 p. 65 de mai 2013), redonnée à l’Opéra de Lausanne (voir O. M. n° 105 p. 50 d’avril 2015), a la chance qu’elle mérite : chaque reprise éclaire davantage son intuition centrale et s’accorde à la fidélité envers le texte et la partition.

La rigoureuse direction d’acteurs de Jean-Louis Grinda, l’ingéniosité des décors de Rudy Sabounghi, la splendeur des costumes de Jorge Jara, tout est au rendez-vous dans une distribution renouvelée, telle que Saint-Étienne sait les réunir. Les ballets de la réception chez Flora, chorégraphiés et dansés par Eugénie Andrin, font partie prenante du drame.

Giuseppe Grazioli a dit son attachement à l’Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire. Son engagement en témoigne dans la netteté d’une battue sobre, attentive à la cohésion de la fosse et du plateau. Les tempi, toujours justes, construisent une implacable progression jusqu’à la poignante scène d’agonie. Le Prélude du III, dans sa simplicité et les nuances exactes, rejoint le lyrisme pudique de Bellini et de Chopin. Les instrumentistes solistes (violon, clarinette, hautbois) deviennent des protagonistes de l’intrigue.

Préparé par Laurent Touche, le Chœur Lyrique Saint-Étienne Loire est acteur et spectateur du drame. Sa parfaite articulation le laisse pleinement intelligible, jusque dans le tempo implacable du finale du II.

La jeune carrière de Ruth Iniesta, remplaçant Vannina Santoni pour les trois représentations, a commencé dans l’univers de la « zarzuela » avant de la mener, via Gilda (Rigoletto), Donna Anna (Don Giovanni) et Lucia (Lucia di Lammermoor), à cette Violetta qu’elle incarne, maintenant, sur les grandes scènes européennes.

Son interprétation est extrêmement originale, dans la fragilité que dément un potentiel vocal capable d’affronter crânement le finale du I, en le couronnant d’un contre-mi bémol très acclamé. Sa gestique, son respect scrupuleux des nuances, par exemple dans « Ah, dunque fu delirio la cruda mia speranza » (passage du fortissimo au pianissimo subito qu’on entend rarement), confirment une véritable titulaire du rôle.

Thomas Bettinger, Alfredo en grande forme vocale et très romantique d’allure, chante avec vaillance son aria « De’ miei bollenti spiriti », laisse libre cours à sa fureur dans l’apostrophe « Questa donna conoscete ? », avant de montrer un vrai raffinement dans le tendre duo « Parigi, o cara ».

De Giorgio Germont, André Heyboer possède le souffle qui autorise un noble legato sur « Pura siccome un angelo ». Ne pourrait-on souhaiter plus d’empathie pour Violetta, lorsqu’il doit se laisser gagner par l’émotion ? Son entrée à la fête chez Flora est magistrale, et sa participation à la scène finale atteint, enfin, la hauteur de la compassion.

Valentine Lemercier a l’élégance et la portée vocale d’une Flora très entourée. Reut Ventorero, timbre touchant et aisance scénique remarquable, campe une Annina toute dévouée à sa maîtresse. Raphaël Brémard, Jean-Gabriel Saint Martin et Timothée Varon caractérisent parfaitement leurs personnages de mondains. Le Docteur Grenvil, dont on sait la place centrale dans cette mise en scène, a la dignité et la belle ligne de chant de Luc Bertin-Hugault.

Une interminable ovation debout célèbre les retrouvailles de cette production et du théâtre qui l’a permise.

PATRICE HENRIOT


© CYRILLE CAUVET

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