L’Opéra, s’il vous plaît, par Jean-Philippe Thiellay (Les Belles Lettres)

C’est un cri d’alarme, avec des prédictions à la Cassandre plutôt décourageantes, et en même temps, comme l’indique le sous-titre, un plaidoyer – vibrant – pour l’art lyrique, plus exactement la manière de le faire vivre, déroulé en cinq actes, avec prologue et coda.

On s’attachera, plus particulièrement, au II (« Des modèles économiques à bout de souffle ») et au III (« Le choc culturel de la génération Z »), où Jean-Philippe Thiellay, fort de sa position comme directeur général adjoint de l’Opéra National de Paris, de 2014 à 2020, expose, chiffres très précis à l’appui (cachets, prix des places, subventions, mécénat…), l’aporie financière, à laquelle, dans le monde entier, les maisons d’opéra sont inévitablement condamnées, avec, entre autres conséquences, la réduction du nombre des représentations et des nouvelles productions, quand ce n’est pas la fermeture pure et simple. Ou analyse, sans tendresse, l’action néfaste de plusieurs des acteurs impliqués, du côté de certains agents artistiques, par exemple, rappelant au passage quelques scandales fameux, notamment en Italie, mais aussi bien celle du public des dilettanti, dont la prétention et le snobisme sont non moins impitoyablement épinglés (pp. 120-125), comme encore le rôle des syndicats, exposé brièvement mais sans tabous (pp. 162-167).

On pourra discuter en revanche, au IV, l’examen de la responsabilité des metteurs en scène et des productions mêmes, qu’on répartirait trop schématiquement entre avant-gardisme abusif et ringardisme tout autant dissuasif pour le public, jeune en particulier. Car il existe bel et bien déjà maintes propositions intermédiaires, inventives et, en même temps, respectueuses des œuvres, dans des structures moyennes, ou même hors du circuit opératique habituel, et avec un public nouveau, comme l’auteur le reconnaît d’ailleurs lui-même (pp. 173-175).

Le V laisse passer une lueur d’espoir, en suggérant des solutions très pragmatiques, comme la multiplication des structures plus légères et des spectacles itinérants, ou encore un accueil plus convivial des théâtres, à la manière des manifestations sportives, souvent citées en exemple, ou l’exploitation de ressources parallèles. La responsabilité est finalement renvoyée d’abord aux directeurs de salle, dont la mission impossible justifie peut-être les salaires élevés – pour les grandes maisons, à tout le moins (p. 125 : 350 000 euros à Paris, 300 000 à Milan…). Les exposés des chapitres II et III seront très éclairants pour tout amateur d’opéra, qui trouvera plus généralement profit à cet ensemble stimulant, ponctué de quelques touches d’humour opportunes.

FRANÇOIS LEHEL

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