Opéras Superbe Onéguine à Lausanne
Opéras

Superbe Onéguine à Lausanne

26/04/2022

Opéra, 10 avril

Après la très belle réussite de sa création par l’Opéra Royal de Wallonie, son coproducteur, en octobre dernier (voir O. M. n° 178 p. 52 de décembre-janvier 2021-2022), il était difficile d’imaginer que cet Eugène Onéguine puisse être encore meilleur à l’Opéra de Lausanne. C’est pourtant le cas, à bien des égards, sans que cela minimise la qualité du travail accompli à Liège.

Nous ne reviendrons pas sur la mise en scène accomplie d’Éric Vigié, qui apporte une dimension politique et esthétique d’une grande intelligence au livret. La plus-value de ces représentations réside dans la distribution. Alors qu’à Liège, certains rôles secondaires étaient un peu délaissés au profit des principaux, la qualité est ici à tous les niveaux, ce qui donne une nouvelle épaisseur à l’intrigue.

Jean Miannay est ainsi un Triquet au ténor souple et affirmé, la note d’impertinence et de fraîcheur qu’il donne au personnage lui permettant de dépasser le statut de faire-valoir un rien exotique. Souvent confiée à des altos vieillissantes, Filipievna est magistralement incarnée par Qiulin Zhang. La voix est pleine, malléable, riche. Débarrassée des considérations techniques, la chanteuse peut se concentrer sur son jeu, faisant de la nourrice une figure tutélaire de la maison, à la fois conseillère, consolatrice et témoin des traditions. Susanne Gritschneder offre également une Larina remarquable, jeune et forte, noble face à une situation qui la dépasse et qu’elle affronte, malgré tout, avec courage.

Alexandr Bezrukov est un Grémine sombre, portant le fardeau de l’histoire qu’il a contribué à écrire. La basse russe ne laisse entrevoir que peu d’espoir, aussi bien sur son pays que sur l’attachement de Tatiana. Pavel Petrov est un Lenski irréprochable vocalement. Il bénéficie d’un beau timbre clair, qui sied parfaitement à ce rôle de poète pur et idéaliste. La blonde Irina Maltseva joue à merveille les ingénues. La légèreté d’Olga, sa naïveté transparaissent autant dans sa fine silhouette que dans sa gestuelle, tandis que son joli mezzo, à l’émission déliée, parachève le portrait de cette douce insouciante.

Face à elle, la brune Natalia Tanasii offre une Tatiana tout en finesse et en noblesse. La voix est splendide, aussi bien dans le médium que dans l’aigu, onctueuse, magnifiquement menée, avec un sens des nuances remarquable. Enfin, Kostas Smoriginas complète ce beau tableau, en incarnant un solide Onéguine, viril et sûr de lui. Avec ses cheveux longs et son attitude de macho, il donne un côté « bad boy » au personnage et lui confère une sorte d’animalité.

Le Chœur de l’Opéra de Lausanne apportant énergie et couleurs aux scènes d’ensemble, nos seuls regrets concernent la fosse. La direction classique de Gavriel Heine ne parvient pas à retrouver l’énergie et le mordant de celle de Speranza Scappucci, à Liège. Certains pupitres de l’Orchestre de Chambre de Lausanne laissent, par ailleurs, à désirer (le cor est faux à presque chacune de ses entrées…). Pas assez, heureusement, pour gâcher cette superbe soirée !

KATIA CHOQUER


© JEAN-GUY PYTHON

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