© COLLECTION JOSÉ PONS

C’est plutôt à l’Opéra de Paris, théâtre de sa création, en 1868, et où il n’a plus été représenté depuis 1938, qu’on l’attendait. Mais on se gardera de faire la fine bouche sur la nouvelle production que l’Opéra-Comique proposera, à partir du 17 décembre, sous la baguette de Louis Langrée et dans une mise en scène de Cyril Teste. Emmenée par Stéphane Degout, Sabine Devieilhe, Sylvie Brunet-Grupposo, Laurent Alvaro et Julien Behr, la distribution est absolument royale, comme il sied à un titre ayant impérativement besoin de grands chanteurs pour revivre. Un chef-d’œuvre, Hamlet ? Sans doute pas. La création la plus réussie d’Ambroise Thomas, avec Mignon ? Très certainement. Dans tous les cas, pour peu qu’il soit servi comme il convient, l’assurance de passer une soirée riche en émotions et grands moments de théâtre.

C’est dans le genre « opéra-comique » qu’Ambroise Thomas (1811-1896) se fait d’abord connaître, avec des œuvres souriantes comme Le Caïd (1849), Le Songe d’une nuit d’été (1850) ou Psyché qui, en 1857, marque sa première collaboration avec Jules Barbier et Michel Carré. Le 17 novembre 1866, la création de Mignon, Salle Favart, avec les mêmes librettistes, remporte un succès phénoménal et lui ouvre enfin les portes de la gloire internationale. L’ouvrage, tour à tour brillant et mélancolique, triomphe aux quatre coins du monde, les plus fameuses cantatrices de l’époque se disputant le rôle-titre. L’Opéra de Paris (Académie Impériale de Musique, sise Salle Le Peletier), dont Thomas rêve depuis toujours, ne peut plus l’ignorer : à 55 ans, le compositeur natif de Metz reçoit commande d’une œuvre en cinq actes, dont les fidèles Barbier et Carré rédigent le livret d’après Hamlet, l’une des plus célèbres tragédies de Shakespeare.

Conçu à l’origine pour un ténor, le rôle-titre est réécrit, à la demande d’Émile Perrin, directeur de l’Opéra, pour voix de baryton, à l’intention expresse de Jean-Baptiste Faure, l’une des principales vedettes de la maison, créateur de Nélusko dans L’Africaine (1865) et de Posa dans Don Carlos (1867). La première, le 9 mars 1868, sous la baguette de Georges Hainl, dans une mise en scène du « régisseur de la scène » Alexis Coleuille, avec la collaboration du chorégraphe Lucien Petipa pour l’incontournable ballet (« La Fête du printemps », à l’acte IV), est un franc succès pour les interprètes : Faure, bien sûr, la soprano Christine Nilsson (Ophélie), la mezzo Pauline Gueymard-Lauters (Gertrude), la basse Jules-Bernard Belval (Claudius). L’œuvre, jugée fort ambitieuse, reçoit, en revanche, un accueil mitigé et il faut attendre la reprise de 1870, pour qu’elle emporte enfin l’adhésion durable du public parisien.

Le 28 octobre 1873, la 100e représentation est programmée Salle Le Peletier. C’est compter sans l’incendie qui, ce jour-là, ravage le vénérable bâtiment, construit en 1820-1821. La soirée est repoussée au 23 mars 1874, dans la Salle Ventadour, qui héberge l’Opéra en attendant l’ouverture du nouveau Palais Garnier. Faure, Gueymard-Lauters et Belval figurent toujours sur l’affiche, mais Fidès Devriès succède à Christine Nilsson en Ophélie.

Hamlet est ensuite l’un des premiers ouvrages du répertoire de la maison à être joué au Palais Garnier, inauguré le 5 janvier 1875. Le 31 mars, le rideau se lève ainsi sur une magnifique nouvelle production, mise en scène par Léon Carvalho, avec Ernest Deldevez à la baguette. Les décors sont signés par les plus importants artistes de l’époque : Auguste Rubé et Philippe Chaperon (actes I et V), Charles-Antoine Cambon (acte II), Jean-Baptiste Lavastre et Édouard Despléchins (actes III et IV). Au sommet de sa réputation, Faure retrouve Hamlet, Caroline Miolan-Carvalho incarnant Ophélie.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 145

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