Interview Léopold Gilloots-Laforge
Interview

Léopold Gilloots-Laforge

01/02/2022

À partir du 2 mars, à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, puis du 20 mars, à l’Opéra de Dijon, le contre-ténor français est l’un des chanteurs principaux d’Il Nerone, ossia L’incoronazione di Poppea, production de l’Académie de l’Opéra National de Paris, dirigée par Vincent Dumestre.

Solaire, c’est le terme qui vient à l’esprit, lorsque l’on rencontre Léopold Gilloots-Laforge. Il se dégage de lui une lumière à la fois paisible et incandescente, alimentée par le feu de sa passion.

Bien qu’il ne soit pas issu d’une famille de musiciens, le petit garçon débute le chant et la danse dès l’âge de 3 ans, manifestant immédiatement de réels dons pour ces disciplines. Il a à peine atteint sa neuvième année qu’il intègre, à Paris, le chœur d’enfants des Petits Chanteurs de Saint-Louis, sous la direction d’Ariel Alonso. Il y découvre des œuvres très variées, allant de Haendel à Stravinsky. L’ensemble lui permet également de s’ouvrir au monde, grâce à des tournées en Chine et au Mexique notamment. Fidèle, il restera dans le chœur, où il fait ses premières armes de soliste, jusqu’au moment de sa mue, à 15 ans.

Devenir contre-ténor

Bien décidé à ne pas arrêter le chant, d’autant qu’il a opté, depuis la classe de 5e, pour des horaires aménagés, le jeune baryton Martin opte pour la tessiture de contre-ténor et travaille d’arrache-pied afin d’intégrer la Maîtrise Notre-Dame de Paris. Grâce à cette formation très exigeante, il enrichit sa connaissance du répertoire et fait un premier pas vers la professionnalisation, abandonnant au passage la flûte et l’orgue, qu’il pratiquait en parallèle de la pratique vocale.

Toutefois, s’il reconnaît les bénéfices de cette période, Léopold Gilloots-Laforge évoque également des moments très difficiles. Il ne trouve pas, en effet, le confort vocal qu’il souhaiterait acquérir, afin de chanter le plus simplement possible. Sa technique n’étant pas suffisante, il s’épuise. Il quitte donc la Maîtrise à 21 ans et se tourne vers Sophie Hervé, professeur de chant et d’art lyrique au Conservatoire du XVIIIe arrondissement de Paris, recommandée par une amie.

Cette rencontre est, pour lui, une révélation. Il dit avoir alors trouvé « son maître » et être convaincu par cette femme passionnée et engagée, avec laquelle il travaille toujours aujourd’hui. Très rapidement, elle décèle son potentiel et l’engage à se présenter au 5Concours Opéra Jeunes Espoirs « Raymond Duffaut », en 2019, à Avignon. Il remporte le Prix de l’Avant-Scène Opéra, qui commence à lui ouvrir les portes des théâtres. C’est également à ce moment qu’il rencontre son agent, Sophie Duffaut.

Baroque et contemporain

Engagé au départ dans des productions modestes, Léopold Gilloots-Laforge tient ensuite de petits rôles et participe à des projets d’ensemble d’envergure. Il est ainsi la Magicienne dans Dido and Aeneas de Purcell,à l’Opéra de Tours, sous la direction de François Bazola, chante des motets de Bach avec Benoît Haller, collabore avec Musicatreize. Ainsi, si sa voix le prédestine essentiellement au répertoire baroque, il avoue une passion pour la musique contemporaine.

Elle vient en écho à son penchant pour toutes les formes d’art moderne, de la peinture à la poésie, son Panthéon personnel abritant Andrée Chedid et René Char. Il dit aimer se laisser dépasser par ce qu’il ne comprend pas. Et en musique, il évoque la magie du travail avec les compositeurs. Il a ainsi conçu, avec la pianiste Paloma Kouider, un programme de récital intitulé « L’Envol de l’aube ». Il y est question du passage transfiguratif de la mort vers la vie, au travers d’œuvres de Dalbavie, Hersant, Menut, Petitgirard, etc.

Cette passion n’est toutefois pas exclusive, puisque ses prochains projets conduiront le contre-ténor à revêtir les atours musicaux de Monteverdi (Ottone dans Il Nerone, ossia L’incoronazione di Poppea, à Paris puis à Dijon, au mois de mars) et de Puccini (le Berger dans Tosca, à Montpellier, au mois de mai). Plus tard, il aimerait endosser ceux de Mozart, auquel il est très attaché : Farnace (Mitridate), Idamante (Idomeneo), Cecilio (Lucio Silla) et Sesto (La clemenza di Tito).

Engagement citoyen

Un dernier versant de son activité lui tient à cœur : celui des actions culturelles. Il a ainsi participé à plusieurs projets auprès des jeunes publics, dont le spectacle Féminin-Masculin, créé à l’Opéra de Massy, en décembre 2018, et destiné à lutter contre les préjugés homophobes et transphobes. Il espère pouvoir poursuivre sur cette voie et trouver un équilibre entre travail en ensemble, en soliste et engagement citoyen.

La période actuelle ne semble pas l’affecter : il a profité des différents confinements pour apprendre de nouvelles partitions et enrichir son répertoire. Tant qu’il a des projets en perspective, Léopold Gilloots-Laforge semble se laisser porter par le bonheur de chanter. Et cela le fait rayonner !

Propos recueillis par KATIA CHOQUER


© CAPUCINE DE CHOCQUEUSE

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