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Marilyn Horne

26/02/2015

Opéra Magazine a profité de la présence à Paris de la légendaire mezzo-soprano américaine pour lui demander, entre deux master classes au Studio Bastille, d’ouvrir son album de souvenirs. L’opportunité aussi de lui souhaiter, avec un peu de retard puisqu’elle est née en 1934, un joyeux 80e anniversaire !

103_-_ANNIVERSAIRE_-_marilyn_horneQuand avez-vous eu conscience de votre registre grave ?
J’ai toujours chanté, depuis toute petite, avant même de savoir parler. Du moins, c’est ce que disait ma mère et je la crois. Enfant, j’avais une très jolie voix de soprano. Mais à la puberté, je me suis aperçue que j’avais gagné une extension d’une octave dans le grave. Je n’y étais pour rien, c’étaient mes hormones ! Certains m’ont dit que j’étais sans doute devenue mezzo, mais comme cette octave supplémentaire ne m’avait pas fait perdre mes aigus, j’étais sûre d’être toujours soprano.

Pourtant, en 1954, vos débuts professionnels se font en contralto : vous chantez Hata dans La Fiancée vendue, avec la Guild Opera Company de Los Angeles…
C’est vrai. Mais j’ai hérité de ce rôle très grave, uniquement parce qu’on ne savait pas à qui d’autre le donner ! Cela ne me posait aucun problème, car j’avais ces notes facilement. Ce qui fait que Henry Lewis, qui était là comme coach, entendant ma voix sans me voir, a prononcé cette phrase devenue culte : « Qui est ce formidable ténor ? » Mais, dans la production suivante, Hänsel und Gretel en anglais, j’étais redevenue soprano avec le Marchand de sable… Sans parler des trois ans passés en troupe à Gelsenkirchen, en Allemagne, où je n’ai chanté qu’en soprano : Mimi, Tatiana, Minnie, Amelia Grimaldi… Et, bien sûr, Marie dans Wozzeck. Je ne voulais pas le faire, car le rôle a mauvaise réputation, on l’accuse d’être un casse-voix. En réalité, j’ai bien fait d’accepter. Je me suis vite aperçue que cet emploi, effectivement très difficile et très étendu (du sol grave au contre-ut), m’allait parfaitement. J’y ai remporté un grand succès, couronné par un article très élogieux du célèbre critique musical H. H. Stuckenschmidt, qui a été, en quelque sorte, mon passeport pour rentrer aux États-Unis. J’étais revenue épouser Henry Lewis et, deux jours après mon mariage, je passais l’audition pour chanter Marie au San Francisco Opera ! C’est aussi le rôle de mes débuts au Covent Garden de Londres, en 1964.

Vous aviez déjà une excellente technique…
C’est exact. J’ai eu la chance d’avoir, dès le départ, un professeur remarquable, qui m’a d’emblée donné des bases solides : d’abord, un excellent soutien, sur lequel je peux me reposer en toute circonstance ; et, d’autre part, une claire conscience des registres, et notamment de cette fameuse voix « de tête » sans laquelle on ne peut tout bonnement pas chanter. Si, comme on le croit trop souvent, j’avais uniquement utilisé ma voix « de poitrine », j’aurais dû, très vite, chercher un autre métier… Lorsque j’ai commencé à me tourner vers le bel canto, j’ai consulté quantité de traités de technique vocale, j’ai lu de nombreux témoignages d’époque, et je me suis aperçue que la fameuse « Méthode Garcia », par exemple, ne parlait pas d’autre chose ! Au milieu des années 1960, quand j’ai senti que les rôles de soprano devenaient trop aigus d’un ton environ, j’ai travaillé avec Henry pour recentrer ma voix sur des ­tessitures plus graves.

À propos de bel canto, Rossini est le compositeur auquel vous restez le plus étroitement associée ; le Festival de Pesaro a même créé une médaille en l’honneur de votre contribution à la « Rossini Renaissance »…
J’ai fait mes débuts rossiniens en Angelina dans La Cenerentola, en 1956, avec la Guild Opera Company de Los Angeles. C’était une œuvre quasi inconnue à l’époque – même la partition était difficile à trouver ! –, et il n’y avait pas d’enregistrement fiable à écouter. J’ai regardé le rôle, vu qu’il me convenait, et c’est tout. Pour rester dans les personnages féminins de Rossini, le plus difficile que j’ai interprété est, sans aucun doute, Isabella dans L’Italiana in Algeri. C’est aussi celui que j’ai le plus chanté, jusqu’à mes adieux au compositeur, à Londres, en 1993. Mais j’ai aussi fait des rôles masculins : Arsace (Semiramide), Malcolm (La donna del lago) et Tancredi, beaucoup ; Falliero (Bianca e Falliero), un peu ; et, bien sûr, Neocle dans L’assedio di Corinto, énorme succès à la Scala de Milan, en 1969… Dans cette galerie de héros, Arsace est celui que j’ai le plus souvent incarné ; pourtant, c’est le plus dramatique de tous, et surtout le plus grave ! Même pour moi, c’était un défi. J’ai travaillé comme une folle pour arriver à faire toutes ces coloratures dans le bas de la tessiture, à leur donner du corps et de la puissance, le tout dans le bon tempo. Henry m’a beaucoup aidée de ses conseils, la clé étant qu’il fallait alléger ma voix dans le grave, et non l’alourdir, comme j’aurais pu être tentée de le faire. En plus, Arsace se voit confier de magnifiques duos avec Semiramide ; il faut donc que soprano et mezzo soient sur la même longueur d’ondes. Je pense qu’avec Joan Sutherland, nous nous sommes approchées de cet idéal : il y avait de la magie dans la manière dont nous unissions nos timbres, pour cette profusion de trilles, de vocalises et de cadences !

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