Actualités Monsterrat Caballé 1933-2018
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Monsterrat Caballé 1933-2018

25/10/2018
Adriana Lecouvreur au Metropolitan Opera de New York. © THE METROPOLITAN OPERA ARCHIVES

L’une des plus grandes sopranos du XXe siècle s’est éteinte le 6 octobre à Barcelone, sa ville natale, à l’âge de 85 ans. Même si elle aborda les répertoires les plus différents et regretta toute sa vie de ne pas avoir davantage chanté Richard Strauss, son compositeur préféré, Montserrat Caballé est, avant tout, entrée dans l’histoire pour ses incarnations de Bellini, Donizetti et Verdi. Sa Norma, sa Lucrezia Borgia, sa Giovanna d’Arco, sa Leonora d’Il trovatore, son Aida tiennent du miracle par la volupté du timbre, la longueur d’un souffle que l’on croirait infini et, bien sûr, ces impalpables pianissimi aigus qui demeureront, pour l’éternité, sa signature.

Voix capiteuse et veloutée, nectar dispensant une ivresse propre à endormir toute velléité d’analyse : le timbre de « la Superba » induit le vocabulaire de l’œnologie avant même celui du critique. Reynaldo Hahn, pour qui le chant était « du souffle imprégné de son », usait de termes aussi sensuels pour énoncer les vertus du bel canto, une bonne décennie avant la naissance de la future diva espagnole. Évoquant le lié et la souplesse capables de modeler ce chant à l’infini, en le faisant passer par toutes les couleurs du prisme sonore, le musicien nous dicte rétrospectivement les mots propres à définir les atouts de Montserrat Caballé. Ceux d’une technicienne accomplie, pérennisant ce qui demeure de ce bel canto dans la vocalité romantique, par-delà ce qui oppose ces deux esthétiques.

Le don du ciel ne valant que par l’étude qui le magnifie, Hahn en vient à évoquer le rôle des professeurs. L’artiste que nous pleurons fut, sous cet angle, instruite de conseils très divers. Eugenia Kemmeny (1893-1969), soprano wagnérienne hongroise enseignant à Barcelone, ne fit pas que lui inculquer les principes de la respiration abdominale, au gré de séances de gymnastique. Elle invita la jeune fille de 16 ans à un récital de Kirsten Flagstad, qui eut pour effet de méduser l’apprentie pianiste par sa justesse d’intonation et le volume d’une voix torrentielle. « Ne cherche pas à l’imiter ! », conseilla-t-on à celle qui, bientôt, s’attaquerait néanmoins à Elisabeth et Venus de Tannhäuser. Faut-il rappeler que ses débuts à la Scala furent ceux d’une modeste Fille-Fleur dans Parsifal et qu’elle s’aventura ensuite jusqu’à Sieglinde et Isolde ? Il faut dire que, de ces héroïnes dont elle avait su apprivoiser l’idiome lors de ses années de troupe en Suisse et en Allemagne, elle exprima toujours le lyrisme intime plus que la véhémence et ses consonnes fricatives.

Avec sa compatriote Conchita Badia (1897-1975), instruite de Granados mais elle aussi pianiste tentée par le chant wagnérien, Montserrat ancra, dès ses éudes, une facette de son art dans le terreau hispanique. Un premier disque, consacré aux mélodies d’Eduardo Toldra, précéda ainsi bien d’autres démonstrations de vocalité ibérique. Paradoxalement, ce fut Conchita Badia qui révèla les lieder de Richard Strauss à son élève, dont l’amour indéfectible pour la musique du compositeur allemand ne fut pas toujours gratifiant. L’Italien Napoleone Annovazzi, de son côté, directeur musical du Gran Teatre del Liceu de Barcelone, sut mettre en garde sa protégée, foncièrement lyrique mais disponible pour tous les paris vocaux, contre une autre fréquentation, celle des coloratures suraiguës de la Reine de la Nuit.

Plus sagement, le concert de fin d’année 1953, au Conservatori del Liceu, vit la jeune surdouée interpréter une cantate de Carissimi, puis, en 1955, le « Dove sono » des Nozze mozartiennes, « Ah, non credea mirarti » de La sonnambula et l’air d’Agathe dans Der Freischütz (« Und ob di Wolke »). Au conservatoire barcelonais dominait alors le bel canto de Monteverdi et Caccini, à côté du répertoire germanique, mais Bellini et Donizetti restaient bien discrets. L’opportunité d’un contrat avec le Mai Musical Florentin en 1956 ayant fait long feu, on auditionna la débutante, la même année, pour une Tosca à Bâle, tout aussi improbable. Elle n’obtint pas le rôle mais un contrat dans la troupe, qui lui permit de faire ses débuts en Mimi de La Bohème.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 144

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