Tatiana au Metropolitan Opera de New York (2013). © THE METROPOLITAN OPERA/KEN HOWARD

La soprano russo-autrichienne ne sait plus où donner de la tête ! Après une Traviata qui a fait délirer le public de la Scala, et un Eugène Onéguine tout autant ovationné au Met, elle retrouve Tatiana à l’Opéra Bastille, à partir du 16 mai. Puis les prises de rôles s’enchaînent : Adriana Lecouvreur à Saint-Pétersbourg, Aida à Salzbourg, Maddalena di Coigny dans Andrea Chénier à Milan, Tosca à New York… Au zénith de son rayonnement scénique et vocal, sachant admirablement entretenir son image publique tout en préservant sa vie privée, Anna Netrebko s’affirme comme la plus authentique diva de notre époque.

Vous avez reçu hier le titre éminemment prestigieux de « Österreichische Kammersängerin » (1)…

C’est un immense honneur, et il faut travailler dur pour l’obtenir. Ce titre n’est pas décerné à n’importe qui ! Le moment était parfaitement choisi.

Lorsque je vous ai vue sur scène pour la première fois, dans L’elisir d’amore à l’Opéra Bastille, j’ai été immédiatement submergé par cette extraordinaire sensation de bonheur que vous communiquez – et pas seulement dans les rôles comiques. Comme si la scène était pour vous un terrain de jeu, une cour de récréation…

Surtout dans cette merveilleuse production de Laurent Pelly, à laquelle j’ai adoré participer ! Je suis une personne heureuse, et j’aime jouer la comédie, même si je n’en ai plus tellement l’occasion. C’est vrai, je prends beaucoup de plaisir à être sur scène !

Et vingt ans de carrière semblent ne pas avoir entamé votre enthousiasme…

Vingt ans ? Dites plutôt vingt-cinq ! Beaucoup de choses ne sont plus aussi agréables, et je suis devenue très sélective. J’aime savoir de quoi il retourne, avant d’accepter un projet. Parce que j’en ai assez de toutes ces productions, où rien ne fonctionne. Un mauvais spectacle peut tuer une bonne interprétation musicale, et le public n’en gardera aucun souvenir, même si nous avons bien chanté. Les metteurs en scène que j’apprécie, les chefs, les collègues, voilà ce qui entretient la flamme. Autrement, la routine s’installe, et je déteste cela.

Quels sont les metteurs en scène avec lesquels vous avez eu le sentiment d’apprendre quelque chose ?

Quelques talents solides ont émergé au début des années 2000, dont les noms restent associés à des productions révolutionnaires, vraiment modernes et intéressantes. J’ai fait connaissance avec la plupart d’entre eux à Salzbourg, un lieu où l’on aime innover. Martin Kusej, Claus Guth, et Willy Decker, bien sûr, comptent parmi ceux-là. Robert Carsen et David McVicar, également. À quoi bon monter un nouveau Don Carlo ou une nouvelle Tosca, sous le seul prétexte que les précédents ont l’air ringard ? Faire pire n’a aucun sens !

Êtes-vous satisfaite de la nouvelle production d’Il trovatore, mise en scène par Daniele Abbado, que vous venez de créer au Staatsoper de Vienne ?

Cet opéra n’est pas facile à mettre en scène, avec son histoire insensée. Mais la musique est tellement belle, et si difficile à chanter, presque acrobatique ! Qu’on ne vienne pas nous demander trop de mouvements… Plutôt de nous tenir immobiles devant un beau décor – ce qui est le cas ici. Quand j’ai appris que l’action allait se dérouler à la fin des années 1930, j’ai pensé : « Non ! Pitié ! » Mais la scénographie est magnifique, avec ses effets d’ombres et de lumières, les projections, le feu, la croix… Elle ne fait de mal à personne. Et, qualité essentielle, elle sonne magnifiquement, comme si nous avions tous un micro – ce qui nous donne la possibilité de varier la dynamique, de chanter de dos… Cette production est destinée à rester longtemps au répertoire, et elle a été conçue pour cela.

Préférez-vous le système de répertoire ou de « stagione » ?

Pour qu’un spectacle soit parfait, les répétitions sont indispensables. Sinon, le niveau sera provincial, particulièrement celui de l’orchestre. Je sais que cela coûte cher, mais ces choses-là doivent être faites dans les règles. Même dans un théâtre de répertoire, mieux vaut avoir une série de représentations rapprochées, plutôt que de changer de titre chaque jour de la semaine. Il m’est souvent arrivé de monter sur scène et de ne pas reconnaître la mélodie, parce que l’orchestre ne la jouait pas correctement… Et puis, on ne sait pas où aller, on se trompe, parce qu’on est dans une situation de stress. Il ne devrait pas en être ainsi, car les personnes qui paient leur billet 200 euros veulent voir de la qualité !

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 128

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