À partir du 4 mars, à Nantes, puis du 4 mai, à Angers, le duo franco-belge signe une nouvelle production de Don Giovanni dans une maison chère à leur cœur. Au même moment, Cecilia Bartoli reprend leur mise en scène du Comte Ory à l’Opéra de Zurich.

Caurier_Leiser Patrice Caurier ( à gauche lunettes sur le front) et Moshe Leiser DR
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Parmi la centaine d’œuvres abordées au cours de votre carrière, vous n’aviez jamais mis en scène Don Giovanni jusqu’à ce que Jean-Paul Davois, directeur général d’Angers Nantes Opéra, vous le propose. Que ressentez-vous en vous y attaquant aujourd’hui ?

Il ne s’agissait pas d’un refus de notre part. Jusque-là, on ne nous l’avait tout simplement pas proposé ! Et c’est finalement magnifique d’aborder un opéra d’une telle ampleur sur le tard. Le spectacle n’aurait certainement pas été le même, s’il était arrivé plus tôt dans notre carrière… Don Giovanni questionne l’extrême violence du désir et son mystère, et dessine toutes les variations possibles sur la frustration sexuelle des personnages en âge d’en éprouver les tourments. Contrairement au commun des mortels, Don Giovanni peut se permettre d’exercer ce désir dans l’immédiateté et sans aucune limite, ni morale ni religieuse. C’est pour cela qu’il fascine.

Quelles sont vos principales options de mise en scène ?

Le mythe, comme la tragédie grecque, a une portée universelle. Ce qui nous intéresse, c’est de montrer par quoi passent les personnages et comment ces histoires de désir et de dépendance fonctionnent aujourd’hui. Le rapport à la sexualité et au libertinage n’est plus le même qu’au XVIIIe siècle ; conserver cette époque éloignerait le propos et n’apporterait rien. Nous avons besoin que ce qui se joue soit immédiatement reconnaissable, pour aider à entendre l’œuvre différemment.

Quelle signification donnez-vous, dans ce contexte, à l’intrusion du surnaturel, lors de l’apparition de la statue du Commandeur ?

Nous n’avons pas encore répété ce passage et nous travaillons, en ce moment, sur la fin du premier acte (1). Tout ce que nous savons, à ce jour, c’est la manière dont le vrai Commandeur a été tué en sauvant sa fille. La fiction que nous racontons n’inclut pas une métaphysique de la mort, et nous sommes dans le monde contemporain. Il nous faut trouver un moyen pour que cette figure de père resurgisse dans la tête de Don Giovanni, comme une personnification de sa culpabilité face au meurtre. Cette scène soulève encore pour nous de nombreuses questions, mais nous posons pour certain que les morts ne reviennent pas.

Comment décririez-vous le décor de Christian Fenouillat ?

Ce décor découle de notre parti pris initial de raconter une histoire d’aujourd’hui. C’est avant tout un lieu à jouer. On voit la façade d’un immeuble où habitent Donna Anna, Don Ottavio et Donna Elvira, et un trottoir. Le cimetière, au deuxième acte, occupe une place importante. Il reflète le désir de mort de Don Giovanni et chacun a des raisons d’y venir. C’est là que s’organise le dernier repas : manger parmi les tombes nous paraît un aspect essentiel de la transgression.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 115

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