Les 15 et 17 mai, le compositeur hongrois dirige Senza sangue, l’opéra qu’il a écrit pour servir de première partie au Château de Barbe-Bleue. Un événement à ne pas manquer, d’autant que Peter Eötvös sera également au pupitre, après l’entracte, du chef-d’œuvre de Bela Bartok.

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© GARAS KALMAN

Votre opéra en un acte, Senza sangue, qui va être créé scéniquement à Avignon, ce mois-ci, est une commande du New York Philharmonic et de la Philharmonie de Cologne, où il a déjà été donné en version de concert, en mai 2015. Mais il a aussi pour but de servir de pendant au Château de Barbe-Bleue de Bartok. L’avez-vous d’emblée pensé de cette manière ?

En fait, il s’agit de deux choses différentes. Depuis une dizaine d’années, je cherchais à écrire un opéra qui puisse servir de première partie au Château de Barbe-Bleue, parce que je n’étais jamais complètement satisfait du couplage proposé par les théâtres. Quand l’opéra de Bartok est présenté avec Erwartung de Schoenberg, ça va, même si le second est beaucoup plus cérébral que le premier. Mais quand on l’accole à du Ravel ou du Puccini, je trouve que cela n’a plus de sens, aussi bien sur le plan de la musique que celui de la dramaturgie. Mon but était donc d’écrire une œuvre qui utilise le même orchestre et plonge l’auditeur dans la même atmosphère sonore que celle de mon compatriote. Parallèlement, j’ai reçu un appel du New York Philharmonic et de la Philharmonie de Cologne pour une pièce orchestrale. Au départ, cette commande ne m’était pas directement adressée ; elle avait été faite à Henri Dutilleux, mais celui-ci ne se sentait plus les forces pour le faire. Alors, il a gentiment suggéré mon nom, bien que nous ne nous connaissions pas très bien – il avait toutefois défendu mes œuvres dans différents jurys, comme dans celui qui m’a attribué le « Prix de Composition Musicale » de la Fondation Prince Pierre de Monaco, en 2008. Le New York Philharmonic et la Philharmonie de Cologne se sont donc tournés vers moi, mais plutôt que d’écrire une pièce orchestrale, je leur ai proposé un opéra en un acte, qui pourrait être donné aussi bien en concert qu’en version scénique. Ils ont accepté, et c’est ainsi qu’est né Senza sangue.

Le roman éponyme d’Alessandro Baricco (2002) raconte l’histoire d’une petite fille qui, pendant une guerre, assiste impuissante au massacre de sa famille par trois hommes, mais est miraculeusement épargnée par le plus jeune. Bien des années plus tard, elle le retrouve, alors que ses deux comparses sont morts dans des circonstances mystérieuses, et une étrange relation s’instaure entre eux. Pourquoi avoir choisi ce texte ?

J’en ai lu beaucoup, avant de trouver une histoire qui puisse faire écho à celle du Château de Barbe-Bleue. Et il me semble que celle que propose Alessandro Baricco dans Senza sangue correspond parfaitement. Parce qu’elle explore au plus profond les relations pouvant exister entre un homme et une femme, mais dans une alternative inverse : chez Bartok, c’est l’homme qui est dominant, face à la femme qui cherche à percer son secret, alors que, dans mon opéra, la femme est en position de force et l’homme, qui l’a reconnue, ne sait pas exactement à quoi s’en tenir… Il vacille en permanence. En même temps, les choses ne sont pas univoques et, dans un cas comme dans l’autre, on assiste en permanence à un jeu de pouvoir et de domination, qui passe de l’un à l’autre. Dans le livret, que j’ai écrit en collaboration avec mon épouse, Mari Mezei, j’ai concentré l’action sur la rencontre tardive entre l’Homme et la Femme qui, comme chez Bartok, sont les deux seuls personnages de l’opéra. Tout ce qui a eu lieu avant, on ne l’apprend, dans une sorte de flash-back, qu’au cours du dialogue. Aussi les choses sont encore plus sujettes à caution et, comme dans Le Château de Barbe-Bleue, on ne sait pas réellement ce qui s’est passé.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 117

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