Interview Sahy Ratia : épris de la Fille du régimen...
Interview

Sahy Ratia : épris de la Fille du régiment à Paris

28/02/2023
© DR

Les 3 et 5 avril, le ténor malgache, dont la carrière est en pleine ascension, abordera Tonio, en version de concert, au Théâtre des Champs-Élysées. Difficile de faire plus différent qu’Anfinomo dans Il ritorno d’Ulisse in patria, qu’il chante à Genève, jusqu’au 7 mars.

Comment définiriez-vous votre voix ?

Je suis tenore di grazia, ou lyrique léger, comme Juan Diego Florez et Lawrence Brownlee, par exemple. Ou encore mon compatriote et grand ami Blaise Rantoanina – et aussi, d’ailleurs, tous les ténors malgaches que je connais, cela doit tenir à la langue ! –, grâce à qui je suis venu étudier en France. C’est ma tessiture naturelle : aucun de mes professeurs ne m’a fait travailler mon aigu, qui a toujours été très facile, tout comme ma vocalisation. Le travail a davantage porté sur le « coffre » à donner à la voix, le corps à trouver dans le médium, et, bien sûr, le répertoire… En 2017, je suis sorti du CNSMD de Paris, mais j’avais déjà commencé une carrière au sein de la compagnie lyrique Opera Fuoco, dirigée par David Stern.

La première fois que je vous ai entendu, c’était justement avec Opera Fuoco, dans Der Schauspieldirektor. Il me semble d’ailleurs que, sur le programme, votre nom était plus long. Chantez-vous beaucoup Mozart, qui paraît une évidence pour votre voix ?

En effet, mon vrai nom est Ratianarinaivo qui, comme beaucoup de patronymes malgaches, est un peu long : en accord avec mon agent, je l’ai raccourci en Ratia, plus facile à prononcer… et à retenir ! Quant à Mozart, je me sens à l’aise chez lui, même si je l’ai peu chanté. En décembre dernier, j’ai incarné Marzio dans Mitridate, au Staatsoper Unter den Linden de Berlin : j’ai dû l’apprendre en quelques jours, s’agissant d’un remplacement de dernière minute. Son seul air est difficile, très aigu et avec plein de coloratures, mais il m’est tombé assez facilement dans la voix, et je le reprendrai, l’an prochain. Cela m’a permis de travailler avec Marc Minkowski, mais aussi de côtoyer Pene Pati, très impressionnant dans le rôle-titre, ainsi que la magnifique Aspasia d’Ana Maria Labin. J’ai déjà chanté des extraits de Die Zauberflöte, à l’Opéra de Vichy, et j’aimerais maintenant aborder Tamino en entier… Je me sens aussi prêt pour Don Ottavio dans Don Giovanni et Ferrando dans Cosi fan tutte, tout comme pour Belmonte ou Pedrillo, au choix, dans Die Entführung aus dem Serail. D’ailleurs, ce serait même une bonne occasion de nous rassembler, Blaise et moi !

Rossini, dont vous chantez régulièrement la Petite Messe solennelle, en tournée avec le collectif de production La Co[opéra]tive, est un autre compositeur auquel on pense pour votre voix…

En effet, pour un ténor aigu vocalisant, Rossini est idéal ! J’adore cette Petite Messe solennelle, servie par une proposition théâtrale originale de Jos Houben & Emily Wilson. Et vocalement, c’est le rêve… J’aimerais maintenant qu’on me demande Almaviva dans Il barbiere di Siviglia – avec, s’il vous plaît, le fameux air final « Cessa di più resistere » –, Don Ramiro dans La Cenerentola (j’avais eu une proposition pour une tournée avec la compagnie Opéra Éclaté, mais je n’étais pas libre) et Lindoro dans L’Italiana in Algeri. Mais mon rêve absolu serait le rôle-titre du Comte Ory !

Et ce premier Tonio dans La Fille du régiment, que vous allez donner au Théâtre des Champs-Élysées, en coproduction avec « Les Grandes Voix », est-ce un autre rêve ?

Bien sûr ! Tonio est un grand défi, surtout à cause de son premier air, très attendu, aux neuf (voire davantage !) contre-ut. Cependant, sa romance « Pour me rapprocher de Marie », à l’acte II, est bien plus délicate à négocier, avec une tessiture tendue, et des suraigus à intégrer dans une belle ligne. Tonio est un personnage attachant, naïf mais prêt à tout pour son amour, un peu comme Nemorino dans L’elisir d’amore. Et puis, j’adore chanter en français !

Vous vous êtes bâti une jolie réputation dans l’« opéra-comique » français, avec des ouvrages rares, comme La Dame blanche de Boieldieu, toujours en collaboration avec La Co[opéra]tive…

Ce répertoire est délicat à défendre, car il demande aisance, élégance et clarté de la diction, mais il est très gratifiant. Et puis, chanter dans sa langue apporte un petit plus ! Pour le rôle de Georges, j’ai eu la chance, avant de commencer les tournées avec La Co[opéra]tive, d’être la doublure de Philippe Talbot, à l’Opéra-Comique, en février 2020. Mais pouvoir le présenter une quinzaine de fois dans des lieux et des acoustiques différents, c’est merveilleux, et très formateur ! Depuis quelques années, j’ai développé une certaine fidélité avec la Salle Favart. C’est ainsi qu’en juin, j’interprèterai Ali dans Zémire et Azor de Grétry : explorer l’opéra du XVIIIe siècle me semble très intéressant, le ténor d’« opéra-comique » français, au XIXe, venant directement de la haute-contre. J’ai aussi participé, en octobre dernier, à l’Opéra Royal de Versailles, à Écho et Narcisse de Gluck, dans le rôle de Cynire… Je me verrais bien en Pylade dans Iphigénie en Tauride et, dans quelques années, en Orphée dans la version parisienne d’Orphée et Eurydice. Enfin, je n’hésiterais pas à remonter plus loin, jusqu’à Lully, en passant par Rameau et sa formidable Platée. En attendant, j’aborde mon premier Monteverdi, avec Anfinomo dans Il ritorno d’Ulisse in patria, au Grand Théâtre de Genève, sous la direction musicale de Fabio Biondi… Comme vous le voyez, je n’en finis pas d’apprendre !

Propos recueillis par THIERRY GUYENNE

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